Rencontré au salon "Noir sur la ville" à Lamballe - le même jour de ma rencontre avec Francis Mizio et Jean-François Coatmeur -, Jean-Marc Ligny et moi avons échangé quelques mots, juste le temps de lui présenter mon projet en lui demandant une interview.
Avec son accord favorable, voici cette entretien, quelques semaines plus tard, sur son roman "Le cinquième est dément" édité chez Baleine dans la série du Poulpe

Je n'ai pas eu l'occasion, faute de temps, de lire d'autres romans
du Poulpe, mais l'univers qui s'en dégage est passablement noir. On se retrouve dans les bas fonds de la société (sexe, drogue, vol). Néanmoins, vous avez dé bien vous amuser à créer les personnages qui composent la famille et vous arrivez à un dégager finalement de l'humour. Expliquez-moi votre choix d'univers et de personnages.

Jean-Marc Ligny: Tous les autres Poulpes ne sont pas comme celui-ci : ça dépend de qui les écrit. En général, le Poulpe réagit sur un fait divers pas clair et se bagarre contre des fachos. J'ai voulu contourner cette règle en faisant de ses "ennemis" plutôt des zonards marginaux envers qui il éprouverait a priori de la sympathie, et en faisant du Poulpe lui-même la victime du fait divers (le vol d'un objet cheri). C'est vrai que je me suis bien amusé à composer cette histoire et créer les personnages d'après les titres de chapitres ! (Là, j'ai par contre joué à fond le jeu du titre-jeu de mots qui n'est imposé que pour le titre du bouquin, pas pour les chapitres !)

Le cinquième est dément
Le Poulpe n°189
134 Pages - 2000
ISBN : 2842192621

Vous avez donné, tout au long du livre, une grande part au sexe.
Est-ce un moyen de mettre le lecteur (je pense aux pages d'introduction) dans un État de gêne, ou bien sexe rime avec misère et "lie" de la société ?

J.-M. L. : Pas du tout, manquerait plus que ça ! C'est simplement la seule ressource de Lassie et je plains le lecteur qui en serait gêné. Quant à moi, je considère que les passages "hard" sont ceux où Lassie se shoote, car là je pense décrire l'univers des drogues dures dans toute son horreur. A la limite, je conseillerais ce bouquin aux gamins, histoire de les mettre en garde : "se shooter, ça mène à ça".

Vous faites allusion au film " Le Poulpe " et à Jean-Pierre
Daroussin (interprète du Poulpe). Vous êtes vous inspiré de l'univers qui se dégageait du film ?

J.-M. L. : Oui, et un peu des personnages. Darroussin en Poulpe est parfait, Clothilde Courau en Cheryl également (c'est d'ailleurs dans le film que j'ai découvert le penchant homosexuel de Cheryl.), quant à celui qui joue Pedro (dont j'ai oublié le nom), on ne pouvait pas trouver mieux ! Alors pourquoi s'en priver ?

 

Globalement, vous avez dû vous creuser l'esprit pour arriver, et ce à
chaque chapitre, à trouver un titre correspondant à un film. Chapeau bas ! Quelle est votre manne d'inspiration en général ?

J.-M. L. : C'est par là que j'ai commencé en vérité. Après avoir trouvé une quinzaine de titres de films déformables en jeu de mots, j'ai essayé de bâtir une histoire autour de ces titres, et de trouver des rapports entre l'histoire et ces films. C'est une façon plutôt inhabituelle de procéder pour moi (en général, je songe plutôt au titre après avoir défini l'histoire), mais assez fun au final !

 

Comment devient-on Écrivain du Poulpe ? On est choisi, on propose
un manuscrit ?

J.-M. L. : En principe, n'importe qui peut proposer un Poulpe et aucun manuscrit n'est refusé. Dans la pratique, il y a eu tellement d'envois de manuscrits et de mauvais Poulpes publiés que Baleine sélectionne maintenant. Donc ils vont plutôt privilégier un auteur ayant de l'expérience, mais ça ne les empêche pas de publier un inconnu si l'histoire est bonne ! Toutefois il faut savoir qu'ils ont un bon paquet de manuscrits d'avance.

 

Le personnage est similaire dans toutes les aventures. Vous propose-t-on un univers sur lequel on doit greffer une histoire ou vous êtes libre de lui offrir des aventures à votre guise ? Quels sont les impératifs à respecter ?
J.-M. L. : Il y a une "bible" assez précise, définissant le personnage, son caractère, ses relations, le bistrot qu'il fréquente, ses manies, etc. Certains éléments sont incontournables (scène de bistrot au début, fait divers détaché du personnage principal en intro.), d'autres facultatifs. Par jeu, j'ai tout utilisé, mais on n'est pas obligé. Toutefois, pour la cohérence de la série, le Poulpe doit se couler dans un certain moule.

 

Au regard de l'ensemble de votre oeuvre, vous vous êtes plutôt tourné vers la science-fiction et le roman pour la jeunesse. Vous n'avez pas eu de difficultés à " entrer " dans le domaine du roman policier ?
J.-M. L. : Je n'y suis pas vraiment entré. Je n'ai écrit qu'un Poulpe et un "Je Bouquine" pour la jeunesse. Et le Poulpe est plutôt atypique dans le genre, non ? Pour moi, ça a été plus facile que n'importe quel roman de SF (pas de décors à inventer, pas de sociétés à construire, pas de psychologie extraterrestre à imaginer.), mais c'est une histoire facile aussi, que j'ai écrite pour m'amuser surtout.

 

Etait-ce une parenthèse ou bien vous allez écrire d'autres policiers ?
J.-M. L. : Je ne suis pas sûr que ça m'intéresse vraiment d'écrire un polar "sérieux" un jour. Je dériverais "naturellement" vers le fantastique, je pense mais sait-on jamais ! Quoi qu'il en soit, tous mes projets pour les années à venir sont tournÉs vers la SF et le fantastique.

 

Question plus personnelle qui rejoint un peu la question 4, comment et
pourquoi avez-vous commencé à écrire ?

J.-M. L. : A force de lire de la SF, je pense (je suis tombé dedans dès mon enfance), ce qui a développé à la fois mon imaginaire et mon esprit critique. Et parce que je voulais vivre de mon art, de ma passion, et non d'un métier débilitant. Mais si les nombreux chefs d'oeuvre en SF ont contribué à nourrir et enrichir ma passion, curieusement, je crois que c'est de lire des daubes qui m'a décidé à 20 ans à m'y mettre. Je corrigeais dans ma tête les mauvais Fleuve Noir, jusqu'au jour où je me suis dit "pourquoi pas essayer d'en faire un moi-même" ? C'est ce que j'ai fait, un été, en 2 mois. Ce tout premier roman n'est jamais paru (il était effectivement mauvais) mais je m'étais prouvé que c'était possible, donc j'ai continué et finalement, 2 ans plus tard, c'est chez Denoël que j'ai été publié : d'entrée une qualité supérieure ! :-) (par rapport à la moyenne du Fleuve Noir de l'Époque)

 

Quelles sont vos prochaines sorties en poche et non poche ?
J.-M. L. : Rien en poche pour le moment, plutôt du grand format : "Les oiseaux de lumière", un space-opera chez J'ai Lu / Millénaires en mai, et en octobre, dans la même collection, "Eros Millenium", une anthologie masculine de SF/fantastique/fantasy Érotique (le "pendant" - si j'ose dire - de "Cosmic Erotica", anthologie de 17 auteurs féminins sortie en janvier 2000). En outre, j'aurai un roman jeunesse, "le Voyageur perdu", paru initialement chez Bayard mais que je réécris pour le Cadran Bleu, et qui sortira je pense d'ici la fin de l'année.
Ensuite, j'ai bien d'autres projets, mais pas encore assez avancés pour en parler.

Merci de votre disponibilité et bonne continuation.
J.-M. L. : Merci

Benjamin DUQUENNE

Bibliographie en poche :
A la recherche de Faërie
Albatroys - Tome 1 et 2
Apex (M 57)
Aqua
Biofeedback
Cosmic erotica
Cyberkiller
D.A.R.K.
Dreamworld
Furia !
Hypnos et Psyché
Inner City
Jihad
Kriegspiel
L'art du rêve
L'enfant bleu
La mort peut danser
Labyrinthe de la nuit
Le clochard Céleste
Le voyageur perdu
Le voyageur solitaire
Les ailes noires de la nuit
Les chants de l'IA au fond des réseaux
Les démons de Mamyvone
Les semeurs de mirages
Rasalgethi
Succubes (Livre I : Démons, Livre II : Sorciers)
Temps blancs
Traqueur d'illusions
Un été à Lédong
Yoro si
Yurlunggur