Le Billet Polar


SPARKLE ET ROBIN, DUO DE CHOC par Claude Le Nocher

Suspense ne signifie pas forcément tension. Ne confondons pas intrigue avec noirceur. Mystère ne veut pas toujours dire violence. La drôlerie et l'ironie s'avèrent souvent plus convaincantes que la morbidité sanglante. Les héros imparfaits sont plus attachants que les personnages trop sérieux. Souvenons-nous de P.G.Wodehouse, de Tom Sharpe. Ces dernières années, des romancières telles que Janet Evanovich ou Sparkle Hayter ont astucieusement utilisé l'humour comme moteur principal de leurs récits.
Saluée chaleureusement par la critique américaine, Sparkle Hayter commence à s'imposer dans les pays francophones, semble-t-il. D'ailleurs cette grande voyageuse aime la France. Elle a même séjourné à Paris il n'y a pas si longtemps.
Faisons plus ample connaissance avec un auteur à l'œuvre savoureuse.

 

Cette Canadienne est née en 1958 à Pouce Coupe (Colombie Britannique), puis à grandi à Edmonton (Alberta). Sparkle Hayter est son vrai nom. Elle le doit à des parents " ni hippies, ni drogués. Juste un peu dingues " dit-elle (1). Elle s'installe aux Etats-Unis en 1980 pour terminer ses études à la New York University. Elle commence sa carrière de reporter à WABC, et la poursuit chez CNN au service des envoyés spéciaux. Elle quitte CNN et fait en 1986 un voyage en Inde. Elle écrit alors son premier roman, inspiré de son expérience dans les médias. Elle travaille un temps pour Global TV de Toronto. Comme reporter indépendant, elle couvre la guerre d'Afghanistan contre l'Union Soviétique.
Au retour " j'ai sorti mon manuscrit de son tiroir, et j'ai réalisé que j'étais meilleure dans l'écriture que dans tout ce que j'avais fait avant " (1). Elle révise son roman, et le fait publier. What's a girl gotta do obtiendra le prix Arthur Ellis du meilleur premier roman. En parallèle, elle s'est mariée, a fait un peu de théâtre, a divorcé, à voyagé, et a continué à écrire. Elle habite à l'hôtel. Pas n'importe lequel : " Le Chelsea Hôtel est un repaire d'artistes, d'étranges bohémiens. J'y trouve beaucoup d'inspiration " (2). On le constate dans ses plus récents romans.

Souriante dans sa vie quotidienne, elle se méfie un peu de son propre sens de l'humour : " J'avais coutume de dire aux américains que Sparkle était un nom traditionnel canadien. Mais j'ai arrêté parce que trop de gens me croyaient, et certains ont été blessés quand je leur ai dit que je plaisantais " (3). De même quand on lui demandait d'où venaient ses idées, elle répondait les tenir d'un type de Cleveland. Elle ne le fait plus : " Je crois qu'un jour un mec de Cleveland va débouler et me coller un procès pour détournement d'idées " (2).
On ne peut éviter de la comparer avec son héroïne Robin Hudson. Nombreux sont les détails autobiographiques se retrouvant dans ses livres. Elle affirme que c'était surtout vrai au début, mais l'utilisation du Chelsea Hôtel nous indique que çà l'est toujours. " Nous sommes toutes deux femmes, du même âge (…) Mais elle est plus élégante, plus distinguée, plus effrontée, moins polie, plus drôle, et moins réservée que moi. Elle pèse plus lourd que moi, et possède de plus gros nénés aussi " (3).
Si Sparkle Hayter qualifie ses romans de comédies policières, elle admet volontiers que ses personnages sont plus importants que l'intrigue : " J'invente d'abord les personnages, et après ce sont eux qui créent l'histoire et la changent constamment " (2). Elle verrait bien l'actrice Joan Cusak dans le rôle de Robin. D'où vient le nom de son héroïne ? Elle parle de tradition familiale : " Mon père a grandi dans l'Hudson Bay, et j'ai eu un jeune frère appelé Hudson qui est mort quand j'étais petite " (1). Les mésaventures de Robin sont l'occasion de multiples péripéties. Une vie agitée, réjouissante pour le lecteur. Inspirée de la réalité ? Pour évoquer les clubs S.M. ou une banque du sperme, Sparkle Hayter dit s'être documentée sur place. Le monde de la télé, elle connaissait déjà. Quant à sa vie sentimentale, Robin la maîtrise mal : " Elle y pense tout le temps, mais se laisse toujours embarquer dans des histoires incroyables. A vrai dire, c'est un moyen de fuir ; elle a un gros problème avec l'intimité " (2). C'est également pour çà qu'on l'aime.

Résumer en quelques lignes un roman de Sparkle Hayter est absolument impossible. C'est occulter tout ce qui fait le charme de l'histoire : les réflexions perso de Robin, les petites scènes hilarantes, les personnages annexes si comiques. Essayons pourtant de présenter son œuvre, publiée en France au " Serpent à Plumes ", collection Serpent Noir, traduction de Joëlle Touati. Ces romans sont réédités en poche aux éditions J'ai Lu.

Les filles n'en mènent pas large, 1998 (Whats a girl gotta do, 1994). Tout va de travers pour la rousse Robin Hudson, 35 ans, reporter télé de la chaîne ANN. Son mari l'a quittée pour une jeune et jolie femme. Elle a vulgairement gaffé à la Maison Blanche. Elle est cantonnée dans un service ringard. Et un maître-chanteur dit connaître ses pires secrets. Il est assassiné : voici Robin suspectée de meurtre. Elle tente maladroitement de se disculper, tout en menant l'enquête sur une banque du sperme. Pas grand monde pour l'aider, alors qu'elle risque peut-être sa vie.
Les filles sont trop gentilles, 1999 (Nice girls finish last, 1996). Malgré ses échecs, Robin Hudson veut positiver. Trimant toujours chez ANN, et malgré les rumeurs de licenciements, elle pense qu'être zen va améliorer son karma. Son gynécologue est assassiné. Son patron l'envoie enquêter sur les clubs S.M. Les évènements internes à ANN ont-ils un rapport avec le meurtre du gynéco ? Robin doit encore une fois se battre pour faire toute la lumière.
Les filles règlent leurs comptes, 2000 (Revenge of the cootie girls, 1997). Une soirée entre filles le soir d'halloween, pourquoi pas ? Mais la nuit sera longue pour Robin Hudson. N'ayant pas trouvé sa stagiaire à l'endroit prévu, elle part à sa recherche. Les indices qu'elle recueille lui rappellent sa première virée à New York avec son amie Julie. Parcourir la ville sur les traces de son passé n'est pas exactement une partie de plaisir. Une plaisanterie de Julie ? Pas sûr du tout ! Robin accumule les surprises, bonnes et mauvaises.
Le dernier macho man, 2001 (The last manly man, 1998). Pour relancer son service (menacé) des Envoyés Spéciaux, Robin Hudson mène une grande enquête sur l'Homme du Futur. Mais elle est contactée par des défenseurs des animaux, activistes très organisés. Alors qu'un congrès féministe se tient à New York, qui a donc enlevé une douzaine de singes bonobos - et dans quel but ? Bien que çà nuise à sa vie privée si mal gérée, elle enquête. Elle découvrira que les commanditaires de cette affaire veulent rétablir la domination masculine.

Les filles du Chelsea Hôtel, 2002 (The Chelsea girls murders, 2000). A cause d'un incendie dans son immeuble, Robin Hudson s'installe au Chelsea Hôtel dans l'appartement de son amie Tamayo. La même nuit, elle recueille la jeune Nadia qui pleure après son fiancé disparu - et un marchand de tableaux vient mourir dans ses bras. L'arrivée de Rocky, le fiancé de retour d'un pays inconnu, ne va pas simplifier les choses. Entre jalousie et ragots, Robin a du mal à y voir clair. Cette fois, tombera-t-elle vraiment amoureuse, et fera-t-elle le bon choix ?
Naked Brunch, 2002, n'est pas une aventure de Robin Hudson, mais concerne quand même le fameux Chelsea Hôtel. Annie est une jeune secrétaire sans histoire qui, orpheline, fut élevée par sa grand-mère. Un ancien voisin de cette dernière, soigné pour démence dans une maison de repos, reste le seul lien d'Annie avec son passé. Par une nuit de pleine lune, Annie se transforme en loup-garou et tue quelqu'un. Elle va rencontrer le psychiatre Marco Potenza, expert en métamorphose lycanthropique. S'il habite au dernier étage du Chelsea Hôtel, c'est au sous-sol qu'il traite ses patients les nuits de pleine lune. Revenant d'un voyage en Inde, Jim Valiente ne sait trop pourquoi il est de retour. Bientôt il croise Annie - et comprend qu'il doit la sauver de la dangereuse thérapie de Potenza (4).
Hélas, ce roman n'est pas au programme 2003 de son éditeur français.

Les extraits d'interviews cités ici proviennent des sites Internet suivants :
(1) www.beatrice.com - interview par Ron Hogan (anglais)
(2) www.zone-littéraire.com - interview par David Foenkinos (français)
(3) www.mysteryone.com - ou : www.booksnbytes.com - interview par Jon Jordan (anglais)
(4) Le résumé de Naked Brunch est basé sur celui de Barbara Franchi sur : www.reviewingtheevidence.com (anglais)
Pour en savoir plus au sujet de Sparkle Hayter, lire aussi l'article de Newton Love et Delphine Cingal, sur : www.januarymagazine.com (anglais). Les sites Internet la concernant sont nombreux, y compris pour commander ses livres en V.O. ou en français.

 

 

 

CLAUDE LE NOCHER

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