Le Billet Polar


LIV'EDITIONS AIME LE SUSPENSE
par Claude Le Nocher

Liv'Editions est un éditeur " régional " déjà bien connu des amateurs de Littérature Policière. La collection Liv'Poche est principalement diffusée dans le grand ouest de la France. Lionel Forlot et Yannick Auffray sont aussi exigeants sur la présentation de leurs livres que sur le choix des romans publiés.
Leur premier auteur-phare fut Gabriel Vinet, décédé en 1999, dont les romans alliant mystère et sourire sont toujours disponibles. Figurent aujourd'hui au catalogue de Liv'Editions des auteurs qui confirment leur talent au fil des livres, tels Christian Denis, Jérôme Bucy ou Pascal Millet. D'autres, comme Jean-Paul Le Denmat ou Luc Calvez nous offrent des histoires insolites de grande qualité. Et cet éditeur nous fait chaque année découvrir de nouveaux auteurs talentueux.
Jean-François Coatmeur, spécialiste des suspenses aux intrigues subtiles, est aussi publié chez Liv'Editions. Ils ont choisi de rééditer d'excellents romans parus voici trente ans chez Denoël, et qui n'ont rien perdu de leur force.
Voici une petite sélection :

JEAN-FRANCOIS COATMEUR : " BABY-FOOT " (2002) Réédition de : 1970, Denoël, Crime Club n°283
Août 1969. Jacques (16 ans) vit à Royan, Charente Maritime, entre sa mère Jeanne (35 ans) et sa tante Lucienne (48 ans), toutes deux veuves. L'écrivain Serge Malvoisier est assassiné dans sa villa de Saint-Palais, tandis que son épouse Florence est au cinéma. Jacques a des raisons de penser que sa mère a tué Malvoisier : peu avant le meurtre, alors qu'il rôdait autour de la villa avec son ami Marcel, il a vu Jeanne au lit avec l'écrivain. Très vite, le commissaire Charolles soupçonne Jeanne, qu'il interroge longuement. Elle lui rappelle tant Eve, et son propre drame personnel ! Mais Jeanne ne cède pas.
Marcel est nerveux. Il succombe à une mauvaise chute chez Jacques. L'énergique tante Lu les débarrasse du corps. Jeanne est libérée. Le policier espère un résultat de la confrontation entre elle et Jacques. En effet, le climat est chargé entre la mère qui se dit innocente et son fils qui la croit coupable. Tante Lu enrage contre l'avocat Borjois, qui ne les aide guère. La disparition de Marcel est signalée. Des idées suicidaires hantent Jacques. Pendant trois jours, l'enquête piétine. Puis on retrouve le cadavre de Marcel. Toujours dans l'espoir d'une réaction, le commissaire précipite l'enterrement. Jacques essaie de se suicider, mais il est sauvé par le retour prématuré de sa mère et de sa tante.
C'est la minute de vérité entre Jeanne et son fils. Il est maintenant sûr de s'être trompé. Jeanne se rend au commissariat pour raconter la vraie version des faits. Son témoignage est contredit par l'avocat Borjois. Mais la probité de celui-ci est bien relative. Florence Malvoisier semble être en fuite…

" Dans mes livres, les personnages ont toujours une espérance de rachat. Il y a une petite lumière qui papillote à la fin " dit Coatmeur (Ouest France, 16/11/2000). C'est le cas dans ce roman de 1970 que Liv'Editions et lui-même ont eu la très bonne idée de rééditer. Coatmeur n'écrit pas de polars (il n'aime pas ce mot) mais des histoires à suspense aux ambiances particulières, équivoques. Il place ses héros dans des situations malsaines, pour ne les en délivrer qu'à la toute fin du roman. Que le décor, datant ici d'il y a 35 ans, ne rebute pas les lecteurs. La construction narrative démontre le talent de cet excellent écrivain. Il sait nous captiver, nous rendre attachants les personnages. Un roman fort, parfaitement maîtrisé, est toujours un bonheur de lecture. (L'Année de la Fiction, volume 12, Editions Encrage 2004)

Jean-François COATMEUR : " LE SQUALE " (2003) Réédition : 1975, Denoël
En 1971, dans la région de Rodez, l'affaire Norge suscite la polémique. Ce notable d'Espalion est soupçonné d'avoir incendié son centre équestre " Le Ranch " afin de toucher l'assurance, causant un mort. L'incorruptible juge Maury s'occupe du dossier. Il subit des pressions de sa hiérarchie. Il considère Norge, surnommé Le Squale, comme une crapule. Jusqu'en septembre 1972, il ne cède pas.
Maury est marié à Séverine, beaucoup plus jeune que lui. Sa rigueur l'empêche de montrer à sa femme qu'il l'aime vraiment. Séverine a un amant, Serge. Sa décision est prise : elle va divorcer. Avec Serge, elle s'installe dans une maison de Gabriac. Très vite, elle hésite entre bonheur et inquiétude. C'est par hasard, grâce au camionneur Jean-Baptiste, qu'elle devine que Serge lui a menti. Il est employé par Norge pour faire chanter le juge Maury. Croyant son épouse enlevée, Maury a signé le non-lieu en faveur du Squale. Séverine assomme Serge, et s'enfuit.
Quand, le lendemain, elle revient récupérer un objet dans la maison (où Serge est mort) elle est agressée. A son réveil, elle ne peut qu'appeler Maury. Elle lui raconte une version mensongère des faits. Maury fait disparaître le corps et la voiture de Serge dans un étang. Les jours suivants, la vie reprend son cours pour Séverine. Mais bientôt, elle subit un harcèlement psychologique visant à lui faire croire que Serge est encore en vie. Impossible, elle le sait ! Pourtant, sa petite enquête le lui confirme. On veut la rendre folle : une vengeance de Norge, certainement.
Lorsqu'elle retrouve Jean-Baptiste, le chauffeur prend les choses en mains. Il la raisonne, et la met à l'abri. Puis il cherche le moyen d'impliquer Norge, qu'il n'aime guère. Ce " Serge-bis ", qui fait peur à Séverine, loge dans la maison de Gabriac. Il le provoque, le fait paniquer, afin que son patron le rejoigne. Il s'agissait bien d'une vengeance, mais plus compliquée que Jean-Baptiste ne l'imaginait. Après avoir tué son complice, le coupable se suicide…

Certes, la France provinciale de cette époque semblera bien rétrograde à ceux qui ne l'ont pas vécue. Mais le décor n'a qu'une importance fort relative, car l'histoire est impeccable. Les situations sont ajustées avec précision, créant une ambiance délicieusement intrigante. La naïve héroïne, l'austère juge, le sympathique camionneur, et les autres personnages sont parfaitement crédibles. Tout ici démontre la maîtrise de Coatmeur en matière de suspense.

Jérôme BUCY : " AMERES DESILLUSIONS " (2003)
Jeremy Davenport, américain, 23 ans, vient en Allemagne afin de rencontrer son rencontrer son grand-père maternel, Kurt Steiner, qu'il ne connaît pas encore. Kurt est mort peu avant son arrivée au château, et l'accueil de son oncle Hans est glacial. Jeremy veut en savoir plus sur Kurt. Certains voyaient en lui un homme dur mais généreux. La plupart le décrivent comme un être froid, hautain, insensible. Avec ses amis Gunther, Klaus et Ernst, ils se sont enrichis grâce aux courses des chevaux qu'ils élèvent. Leur fortune peut expliquer qu'ils sont jalousés. Mais Jeremy découvre plusieurs mystères concernant les quatre hommes, dont l'un (Ernst) est décédé deux ans plus tôt.
Les performances de leurs chevaux posent question. Jeremy se rend dans un petit village de l'île de Sumatra pour trouver des indices sur une " semence " dont on lui a parlé. Ce n'est que bien plus tard qu'il va comprendre de quoi il s'agit. En Allemagne, de nombreux bébés sont nés avec de graves malformations. On a accusé le marionnettiste Georg (dit Gepetto), mais Steiner et ses amis se sont servis de lui. Quatre tableaux sur Jeanne d'Arc furent autrefois volés en Picardie. Jeremy veut les rendre à la légitime héritière des œuvres. Il sait que Rosa, l'employée des Steiner, est prête à l'aider. Cornelia, étudiante et serveuse dans une auberge voisine, est aussi une alliée précieuse. Franck, dit Le vautour, paraît plus hostile.
Gunther, puis Klaus, sont morts à leur tour. Ce peut être une vengeance tardive contre ceux qui violèrent et tuèrent la jeune Tristana quelques décennies plus tôt. Moribond, Georg affirme être responsable de cette série de meurtres. Il est probable qu'il couvre quelqu'un. Retrouver sur la côte picarde " le sémaphore des chimères " où est stocké le butin de la bande de Kurt, telle est la dernière mission de Jeremy…

La plus grande qualité de cette histoire est d'être solidement construite. L'auteur fait preuve d'une vraie habileté, entremêlant avec astuce les principaux nœuds de l'intrigue. La narration est aussi assez subtile, ne livrant qu'à petite dose chaque élément. Les péripéties vécues par le héros entretiennent un très bon suspense. Quant à l'épilogue, les puristes tiqueront peut-être. Mais il constitue un dénouement adéquat pour ce roman riche en mystères. On sent chez Jérôme Bucy un plaisir d'écrire, et une envie d'épater ses lecteurs. Le résultat est passionnant.

Olivier COUSIN : " L'OMBRE DES TABLEAUX " (2003)
Alun Morris, étudiant dans une université galloise, demande à des professeurs de traduire des lettres écrites en français. Il s'agit de courriers entre un certain Sérusier et Thomas Owen, grand-oncle d'Alun. Il s'avère que l'expéditeur était bien le peintre Paul Sérusier (1864/1927). Cela intéresse Makepeace, un prof auteur de savants articles sur l'art. Alun sympathise avec Yvon, qui enseigne la culture celtique. Yvon traduit les lettres, tandis qu'Alun cherche d'autres éléments sur Thomas Owen. Lors des vacances d'été en Bretagne, Yvon se renseigne sur Sérusier et sur l'aïeul d'Alun. Il semble que Makepeace soit aussi dans la région.
Alun veut retrouver les traces de son grand-oncle peintre. Il commence par un village d'Espagne, Abertura, où Thomas Owen vécut après avoir cessé de peindre. Il y est bien reçu, mais n'y recueille guère de témoignages. Puis, au musée local de Sétubal (Portugal), il trouve une indication utile au dos d'un tableau. Il se rend dans le Finistère, et n'hésite pas à forcer la maison où habita Sérusier. Dans le grenier, une boite recèle 64 toiles de son grand-oncle. Yvon négocie les dessins au fusain de Sérusier, aussi contenus dans la boite. Cela permet à Alun de mener à bien son projet : monter une galerie d'art, et faire reconnaître le talent de son ancêtre. Yvon l'y aide beaucoup.
La " Galerie des 3 abers " est un succès. Yvon crée à côté une librairie. En hommage à Thomas Owen, une grande réception réunit des universitaires et des responsables de musées européens. Mais Makepeace entend bien se venger d'Alun…

Le suspense n'a que peu d'importance dans ce roman. Mais il y a bien une enquête : celle que mène le jeune héros sur son aïeul. C'est documenté, et cela offre une balade culturelle en Pays de Galles, en Bretagne celtique et dans la péninsule ibérique. Peut-être un peu lent, le rythme convient toutefois à cette histoire. La narration est bien menée, et les personnages sont crédibles. Ce n'est pas de la littérature policière pure et dure, mais c'est un roman de très bonne qualité.

Eric DUMONT : " MORT SUR ANNONCES " (2003)
Ces derniers mois, un assassin sévit à Brest. Il a déjà tué trois femmes. Dans une lettre au commissaire Chatalic, il exprime sa supériorité. Il donne des détails sur le premier meurtre, et explique qu'on ne l'arrêtera jamais. Cela constitue enfin un élément concret. Avec ses services, le policier analyse le courrier et relance l'enquête.
Jacques Prodin est médecin major à bord de la frégate Tourville, basée à Brest. C'est un homme cultivé, amateur d'art. Ses relations avec son amie Valérie se dégradent depuis quelques temps. Elle accepte mal sa vie de marin. Au retour d'une mission en mer, Jacques apprend la mort de Valérie, quatrième victime de la série. Le criminel rencontre les jeunes femmes en passant des annonces dans un journal. On sait aussi qu'il éprouve un certain goût pour la domination sexuelle. Mais il ne laisse aucun indice. D'abord bouleversé par le meurtre de Valérie, Jacques veut identifier le tueur. Il espère l'aide de son ami Didier, inspecteur de sûreté navale.
Sachant que l'assassin connaît Jacques, les suspects ne manquent pas parmi ses fréquentations : le peintre Yann Kilec, obsédé par le bondage ; l'officier de transmissions Le Gall, célibataire secret ; Coupet, libraire passionné d'Histoire et de romans policiers ; Garissou, banquier instable aimant torturer les bonsaïs ; Anne, une masochiste avertie ; et Didier lui-même, qui appréciait peu Valérie. Bien que brouillé avec Jacques, Didier mène son enquête parallèle. Il risque de passer pour le meurtrier, ce que croit finalement Jacques.
Dans une interview, le commissaire provoque l'assassin. Jacques a marqué des repères sur les photocopieuses utilisées par les suspects …

Voilà un roman d'énigme dans la grande tradition du genre, avec ses faux-semblants, et ses pistes probables ou incertaines. L'auteur se permet quelques digressions, mais conserve le cap. L'intrigue est bien pensée. L'esprit des jeux érotiques raffinés semble justement décrit. Les portraits des personnages et leur psychologie, les indices révélateurs ou non, la progression maîtrisée du récit : tout cela nous offre une histoire de bon niveau. Vraiment très agréable.

CHRISTIAN DENIS : " BON A TIRER " (2002)
Patrice est le véritable auteur des romans policiers signés par Balizaire, personnalité médiatique. Ce soir-là, Patrice va publiquement dévoiler la supercherie. Il apporte d'incontestables preuves. Balizaire crie au complot, menace ! Mais Patrice l'a discrédité devant la France entière. Tandis que Balizaire disparaît (momentanément ?) Patrice voit reconnaître ses mérites. Il est publié, commence à vivre de ses écrits. C'est de façon insolite qu'il rencontre Annabelle. Celle-ci débarque à Paris, venant d'Angoulême. Issue d'une famille ultra conformiste, la jeune fille veut changer de vie. Sans prévenir ses parents, elle devient la compagne de Patrice.
Leur voyage en Irlande est moins réussi que prévu. Un homme les suivait. Un sbire de Balizaire ? Ce type va subir quelques ennuis de santé. Retour à Paris, où Anne - que le couple a connu aux îles d'Aran - les rejoint bientôt. Annabelle supportant mal la pollution parisienne, Patrice et elle s'installent en Anjou. Richard, un petit voyou, est surpris par Anne alors qu'il cambriolait l'appartement de Patrice. Il est payé par Balizaire, lequel cherche à se venger. Patrice va de nouveau lui tendre un piège. Cette fois le " gros " Balizaire ne peut plus nuire à Patrice. Mais il surgit dans la maison campagnarde du couple, menace de les tuer. Heureusement, un ange gardien veille et intervient.
Balizaire s'est réfugié dans un monastère. Alors que le père d'Annabelle (homme aux idées farfelues ou visionnaires) les rejoint, Patrice s'interroge sur la repentance de Balizaire. Il n'a pas tort. Profitant de la naïveté des moines, Balizaire subtilise le manuscrit ignoré écrit par le défunt frère Athanase - ainsi que deux incunables, qu'il vend pour se refaire une santé financière. Habilement, il refait parler de lui en bien, puis se présente comme l'auteur du livre sur Saint-Augustin (œuvre d'Athanase). Patrice devine vite une nouvelle arnaque. Bien difficile à prouver, car les soupçons ne suffisent pas. Une visite à la sœur du moine décédé leur offre de quoi griller définitivement l'imposteur…

Christian Denis échappe à son défaut majeur : le délit de grande vitesse narrative. Il nous livre ici une histoire bien rythmée, bien structurée, dont les personnages et les situations s'avèrent très convaincants. La tonalité humoristique en est d'autant mieux mise en valeur. On identifie sans peine Balizaire, bien sûr. Et on prend un réel plaisir à suivre les aventures de ces héros attachants. Un roman solide et souriant, d'une qualité indiscutable qui prouve le talent inventif de son auteur. (L'Année de la Fiction, volume 12, Editions Encrage 2004)

CHRISTIAN DENIS : " ACCORD PARENTAL SOUHAITABLE " (2002)
Par hasard, Jeanne apprend ce que Gérard a manigancé 19 ans plus tôt pour l'épouser. Mariage sans passion, trois enfants - dont Béatrice, l'aînée. Jeanne cause la mort de son mari. Un accident, en apparence. Catherine, l'amie de Jeanne, a son rôle dans cette sombre affaire.
François, séduisant jeune universitaire, est gêné par une maladie de peau, qui nuit à ses relations avec les filles. Jocelyne (étudiante) et lui pouvaient former un couple idéal. Un problème surgit. Il cherche son salut dans la fuite, refusant un poste important.
Les années passent. Devenu historien reconnu, écrivain et enseignant, François rencontre Jeanne. Malgré les filles de celle-ci, une opportunité pour tous deux. " Histoire d'amour " intéressant peu l'égocentrique Emmanuel, ami de François. Lui n'est pas si attaché à Catherine. Durant des vacances en commun, il séduit la jeune Béatrice.
Est-ce par crainte de Catherine que la jeune fille disparaît ? Jeanne et François la retrouvent dans les Alpes, soignée pour dépression. Ils ne peuvent la voir, mais le médecin est optimiste : Béatrice est enceinte, et l'écriture lui redonne goût à la vie. Emmanuel est le père du futur bébé. Il devra oublier son égoïsme.
Jeanne comprend les raisons de l'état de sa fille. Tout est de la faute de Catherine. Celle-ci sera victime d'un curieux accident. François s'inquiète des réactions meurtrières de sa compagne. Il s'isole à Ouessant, souhaitant s'éloigner de Jeanne.
Pas pressé de rentrer, il fait le détour par sa région nantaise d'origine. Fortuitement, il y retrouve Jocelyne (divorcée) et se voit à nouveau proposer un poste avantageux. Cette fois, il accepte. Cette deuxième chance avec Jocelyne entraînera-t-elle encore une vengeance de Jeanne ? Ombre légère sur leur avenir heureux…
S'il fut spécialiste des excès de vitesse en matière de narration, l'auteur sait conduire plus tranquillement ce titre - même s'il se sert encore trop de l'accélérateur. Un récit vif et entraînant, aimablement amoral quant aux meurtres. Une histoire construite, rendant crédible des personnages dont on suit avec intérêt les étapes successives et troublées de leurs vies. Le dénouement happy end ? Bon, pourquoi pas ? Un livre très plaisant, d'un écrivain créatif. (L'Année de la Fiction, volume 12, Editions Encrage 2004)


Jean-Paul LE DENMAT : " LES GRIFFES DE L'ANGE " (2001)
La famille Messac habite dans la région de Saint-Brieuc. Catherine est l'épouse de Pierre, architecte. Ils ont deux jeunes fils : François et le petit Julien. Pierre a pour maîtresse sa secrétaire, Patricia. L'autre amant de celle-ci, Richard, est un faux dur fainéant et buveur pouvant s'avérer dangereux.
Un jour, Catherine achète un tableau sans valeur. C'est exactement le portrait du jumeau de Julien, Yann, décédé en bas âge. Dès lors, il se produit d'étranges évènements autour de la famille. Julien fraternise avec le portrait, partageant les mêmes sensations. Quand Richard et un complice viennent cambrioler la maison vide, Yann (le tableau) intervient. Il cause indirectement la mort du comparse. Çà entraîne une enquête de gendarmerie. Le chef Le Jeune suspecte Pierre, qui ne veut pas avouer sa liaison avec Patricia. Disculpé, il a déjà décidé de ne pas poursuivre cette relation. Richard et son véreux ami Paulo veulent faire chanter Pierre. Sauvée du suicide, Patricia est hospitalisée et parle de Richard. Cette fois encore, Yann agit sur la situation, provoquant la mort de Paulo. Blessé, Richard passe quelques jours à l'hôpital, afin de se faire oublier. Il y aperçoit Pierre, venu voir Patricia. Il l'agresse traîtreusement, puis cherche à supprimer leur maîtresse avant de s'enfuir.
Pendant plusieurs jours, le portrait de Yann (abîmé dans un incendie) va subir quelques mésaventures. Cela influe sur la santé du petit Julien. Les médecins sont dépassés. Secouée par tout ce qui s'est produit, Catherine fait une grave dépression. Ayant changé d'aspect, Richard retrouve le portrait (dont il a compris le rôle dans ses problèmes). Les gendarmes sont sur sa piste, mais ils ne parviennent pas à l'arrêter. Pierre a enfin réalisé, lui aussi, que le tableau est " vivant ". Yann a eu besoin d'un peu de temps pour reprendre de la vigueur…

Ce roman mériterait un compte-rendu plus large, car les péripéties y sont bien plus nombreuses encore et les personnages annexes ont leur importance dans le récit. Laissons aux futurs lecteurs le plaisir de découvrir tout ce qui n'a pu être dit ici. Ce foisonnant conte fantastique, mêlant habilement réalité et surnaturel, s'adresse autant aux amateurs du genre qu'aux moins habitués. Au fil des scènes, on se laisse vite captiver par l'ambiance et les rebondissements. Les héros, bons et méchants, sont très réussis. L'humour valorise souvent la narration. Quelques passages très noirs complètent l'équilibre du scénario. Le thème de la gémellité est utilisé de manière fort originale. C'est, sans nul doute, un roman à découvrir. (L'Année de la Fiction, volume 12, Editions Encrage 2004)

LUC CALVEZ - " MAGIE NOIRE A BREST " (2000)
Pol Fureteur est garagiste dans le quartier de Recouvrance, à Brest. Son modeste garage est tout ce qu'il y a de rétro. Mais, entre son épouse Marianne - une vraie mégère - et ses copains, le tranquille Pol mène une vie à son image. La veille des fêtes de " Brest 2000 ", deux femmes entrent dans son univers : Geneviève, la belle épouse du promoteur immobilier Paul Dambroise, cliente dont il tombe immédiatement amoureux ; et la curieuse brésilienne Neosa, aussi laide qu'inquiétante. Alors d'une soirée sur une goélette, réunissant Paul Dambroise, Geneviève, Marc Sougnet (l'associé de Paul), et le couple Chevalier (lui est un gros investisseur), Pol Fureteur assiste avec eux à une cérémonie dont Neosa est la grande prêtresse. Il y participe même, buvant une étrange mixture.
A cause du philtre magique, Pol et Paul ont échangé leurs vies. Pol le garagiste est devenu l'agent immobilier, prenant son apparence, vivant dans son milieu. Et inversement, Paul part en vacances avec Marianne, sous les traits du garagiste. Une énorme différence : Pol est conscient du changement, pas l'autre Paul. Mais Pol s'adapte mal à sa nouvelle existence. Dino, son beau-père, professeur de médecine à Lausanne, s'interroge. Marc, lui, voudrait savoir où est passée la mallette contenant leurs fonds secrets, destinés à un pot-de-vin. Les mésaventures s'enchaînent pour Pol.
Retour à la réalité : Pol pense avoir cauchemardé. L'esprit encore brouillé, il finit par comprendre qu'il a vraiment vécu cet échange de personnalités. Heureusement, il a remonté le temps - puisqu'il se réveille à la veille de " Brest 2000 ". Les mêmes scènes recommencent. Eviter Neosa, afin de ne plus être hypnotisé par son regard perçant ? C'est Pol lui-même qui se jette dans la gueule du loup. Il embarque avec le même groupe sur la goélette. La prêtresse brésilienne ne lui a-t-elle pas expliqué que, cette fois, elle l'aiderait ? Pol résiste, ou tente de le faire. Mais il avalera malgré tout le philtre magique.
Désormais, Pol est plus fort dans la peau de Paul Dambroise. Il se comporte presque comme celui avec qui il a échangé une seconde fois sa vie. Paul, lui, n'a toujours aucun souvenir de son passé. Parfois, Pol doute : " se trouve-t-il à l'endroit ou à l'envers des choses ? " (p.322). Grosse déception : Geneviève, qui est la maîtresse de Marc Sougnet, ne témoigne aucune affection à son mari. Pourtant, il fait des efforts pour être moins odieux que le vrai Paul. Quant à la mallette de leur cagnotte secrète, Pol va s'en servir pour dominer Marc - afin que celui-ci s'écarte de Geneviève. Mais elle reste distante. Pol pense aussi pouvoir aider Paul le garagiste, en plein marasme.
Dernier acte : M.Chevalier, l'investisseur qui s'implante à Brest, emmène tout le monde au Brésil, en vacances. A Salvador de Bahia, d'où venait la goélette - et Neosa. L'aspect touristique n'est pas ce qui prime pour Pol. Retrouver la prêtresse ! Pas si simple dans cette ville. Mais le jeune Tio, gamin des rues, va les renseigner. L'ultime cérémonie doit permettre à Pol - définitivement devenu Paul Dambroise - de gagner l'amour de la belle Geneviève.
Le thème de l'échange des vies par deux personnages n'est pas totalement nouveau - tout est dans la manière de le traiter. Ici, l'auteur maîtrise parfaitement son sujet, joue avec les nouvelles vies de ses héros, renouvelle astucieusement les situations identiques, fait évoluer les comportements de chacun. Au point que, si le premier échange est cocasse et amusant, le deuxième est troublant car Pol s'installe en Paul. La mise en place du rôle de tous les protagonistes étant impeccable, aucune confusion possible pour le lecteur. Scénario idéal, narration souriante, personnages réussis. Peut-on parler de réalisme quand le sujet est basé sur la sorcellerie et autres bizarreries ? Non, bien sûr. Pourtant, les décors de cette histoire sont autant de points de repères pour le lecteur. Sur la couverture du livre, nous lisons " roman policier ". Sans doute faute de trouver un terme plus juste ? Un roman très original, d'excellente qualité. (L'Année de la Fiction, volume 11, Editions Encrage 2003)


Gabriel VINET : " LA MAISON AU BORD DE LA FALAISE " (1998)

Printemps 1954. Le narrateur est journaliste, la trentaine, ancien commando durant la guerre. Sur la côte sud de la Bretagne, il remarque une singulière maison au bord d'une falaise, avec sa tour en granit. Afin de l'acheter, il contacte le notaire local. Le prix est dérisoire, car ce lieu à une histoire. Dix ans plus tôt, trois résistants y furent abattus. Parmi eux, le docteur Hascoët était le maire de la commune. On ne sut jamais qui les avait dénoncés, ni où ils cachèrent les dernières armes destinées à la Résistance. Maria, la jeune institutrice, fit partie du même réseau. Elle voudrait que ses amis soient un jour vengés.
Le journaliste souhaite élucider l'affaire. Il est impossible que les trois victimes aient été trahies par un des leurs. Quelqu'un s'est introduit dans la tour, cette nuit-là. Peut-être le même homme qui réclama cette propriété quelques années auparavant. Peu à peu, le journaliste s'installe, et se rapproche de Maria.
Il fait des rêves morbides, revivant la mort des trois résistants. Bientôt, sans en avoir conscience, il écrit dans la nuit des messages dictés par le défunt docteur Hascoët. Celui-ci fut un adepte de l'ésotérisme. Par son esprit, il a décidé de le guider. Il est sûr qu'il aura assez de courage pour assouvir leur vengeance. Une nuit, ils ont même une vraie conversation. Hascoët raconte les dernières heures de sa vie. Surtout, il désigne le coupable, la crapule qui les dénonça. Il donne ses directives pour piéger ce minable.
Sans en parler à Maria, le journaliste se prépare…
Ce roman concis et fluide ne manque pas de qualités. Sa tonalité est convaincante. L'équilibre entre le suspense et le fantastique, légers l'un comme l'autre, est fort bien maîtrisé. Certes, l'intrigue est assez simple et pleine de bons sentiments. Mais la narration et l'évolution de l'histoire rendent vite le récit captivant. Sans doute un des meilleurs titres de Gabriel Vinet.

Pour en savoir plus, consultez le site : http://www.liv-editions.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CLAUDE LE NOCHER

 

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