Le Billet Polar

" JOURNALISTES, VERSION FRANCAISE " par Claude Le Nocher

Les auteurs français ne se sont pas privés d'utiliser
des héros-journalistes. Quelques exemples…

Au Fleuve-Noir, Jean Mazarin créa Max Bichon, reporter au magazine " Le Super ". Si cet hebdomadaire spécialisé dans le tiercé, le loto et les scandales est plutôt ringard, les enquêtes du journaliste sont agitées et captivantes. Dans Sanglantes rotatives (1980) Max Bichon s'occupe de la mort d'un moine de la région de Montpellier. Y a-t-il un rapport entre ce décès et une attaque de banque ? Personne n'étant très bavard dans cette affaire, il faudra fouiller dans le passé du défunt. Le correspondant local savait, lui, bien des choses. Pour La course au bahut (1980) Max part à la recherche d'un poids lourd disparu sur les routes du Nord de la France. S'agit-il d'un trafic d'uranium, comme le pensent certains ? Dans Halte aux crabes ! (1982) c'est du côté de Morlaix que Max mène l'enquête sur la mort d'une jeune touriste. Deux autres femmes seront assassinées, peut-être pas pour les mêmes raisons… Ce héros n'a vécu que trois aventures. Dommage, car il était vraiment sympathique.

Pour la collection Un Mystère, Michel Lebrun mit en scène Max Bersac, du journal " La Capitale ". Dans De quoi vous mêlez-vous ? (1961) il veut en savoir plus sur un musicien de jazz qui veut épouser sa sœur Sophie. Celui-ci sera assassiné sur la péniche où il vivait. A cause d'un trafic ? Pas sûr. Mais sa vie privée était un peu compliquée. L'homme est-il bien mort ? Faut-il croire les témoignages à son propos ? … On retrouve Max Bersac dans Forfait au mariage (1962) où il enquête sur les agences matrimoniales. Il découvre qu'une amie comédienne y est employée comme appât, avec d'autres jeunes femmes. Mais l'agence " Cœurs réunis " cache sans doute d'autres activités suspectes.

Dans la collection L'Aventurier, du Fleuve Noir, Peter Randa fit vivre vingt-sept aventures (de la fin des années 19-50 au début des années 1970) à Achille Nau. Ce personnage, qui signe son passage d'une carte de visite et d'une rose rouge, se nomme en réalité Jacques Dupont. Il est journaliste à " Central Presse ". Dès qu'il se mêle d'une affaire, il joue au chat et à la souris avec la police - qui soupçonne fort son identité. Même si l'auteur y abusait quelque peu des péripéties, cette série reste plaisante à lire.
Inévitable André Héléna ! De 1965 à 1967, il publia au Fleuve Noir huit romans ayant pour héros Etienne-Marcel Cary (dit " Em " Cary). Celui-ci est reporter pour " Le télégramme ", quotidien parisien dont le rédacteur en chef s'appelle Raynal. Si on croise son collègue et ami Grégoire, Em Cary prend seul des risques pour mener l'enquête (souvent après avoir lui-même découvert la victime). On connaît les qualités et les faiblesses de l'auteur, on les retrouve ici.
L'Almanach du Crime 1980 (Guénaud/Polar) évoque la série " Valentin Vey, envoyé spécial " de François Brigneau, publiée chez André Martel, comportant quatre titres : Le notaire de Concarneau (1953), Le criminel de guerre (1953), La beauté qui meurt (1954, Grand prix de littérature policière), et Le manoir du malheur l'amour (1954). Le héros en est un " jeune journaliste sympathique, sentimental et naïf qui, prêt à tout pour obtenir un scoop, s'infiltre dans des affaires criminelles… " nous dit Michel Lebrun. Hélas, on sait les choix que Brigneau fit plus tard.

Au Fleuve Noir, Richard Caron utilisa lui aussi des journalistes comme héros. Dans Les frelons (1963) un reporter de " Paris-Flash " s'intéresse à une belle sud-américaine. Pour elle, il photographie discrètement les derniers modèles de la Haute Couture parisienne. Elle pourra les copier, et les vendre au Brésil. Mais c'est un épisode de l'histoire de l'Argentine qui a entraîné la mort d'un mannequin de chez Dior… Dans L'heure noire (1965), c'est l'accident d'avion d'un patron de société pétrolière qui amène un (autre) journaliste de " Paris-Flash " à enquêter - car il était un ami du pilote. A l'époque, l'autonomie de la France en matière de pétrole était un enjeu envisageable. Cela explique-t-il l'accident, qui fut peut-être provoqué ? S'il y a trois veuves dans cette affaire, elles ne réagissent pas toutes de la même façon.
Parfois, l'activité journalistique du héros n'est pas primordiale. Comme dans La Tuerie (Fleuve Noir, 1970) de Jean-Pierre Ferrière, où Axel Chalamont de " La Dépêche " à Saumur est moins préoccupé par son métier que par son projet de meurtre. Il veut tuer son épouse, mais est contrarié par l'arrivée d'une femme inquiétante.


Dans Retraite sans flambeau (Un Mystère, 1956) de Christian Guy, un ancien journaliste vient de prendre sa retraite sur les bords de la Marne - car il adore la pêche. Il est mêlé au meurtre d'un truand fiché. Vite disculpé, il mène l'enquête en amateur, non sans s'impliquer. La valise pleine de billets appartenant à la victime est, évidemment, convoitée par beaucoup de gens… Un autre retraité du journalisme n'est pas moins actif : Jean-Baptiste Hayman est un précieux allié pour Tarpon dans Que d'os ! (Gallimard, 1976) de Jean-Patrick Manchettte. En qui Tarpon peut-il avoir confiance, à part lui ?
Dans Balle de charité (Fleuve Noir, 1969) de Georges-J.Arnaud, le journaliste local de " L'Essor " est très anti-conformiste. Il n'est pas mécontent du retour dans leur petite ville d'un homme condamné cinq ans plus tôt, peut-être à tort. Celui-ci va semer le trouble lors d'une soirée de charité qui réunit les notables de la région. Un jeu de cache-cache qui s'avérera dangereux, voire mortel.
Un reporter du journal " L'Hexagone " est le héros du roman de Brice Pelman La chignole du Diable (Fleuve Noir, 1982). Kelerman, un des hommes les plus riches du monde, vit caché dans une propriété de la Côte d'Azur. Il veut l'approcher, et y parvient en se montrant malin. Découvrira-t-il quelque secret chez ce milliardaire qui semble un peu dérangé du cerveau ? Une prétendue infirmière (en réalité, une journaliste concurrente) s'incruste aussi dans la villa. Pourront-ils faire alliance ? Peu probable. En plus, arrive la maîtresse de Kelerman. Des détails auraient dû alerter le reporter. Surtout, que signifient ces coups sourds qui font par moment trembler la maison ?…. Autre journaliste créée par Brice Pelman : l'intrépide Gildadora Dorian du " Forum " qui joue un grand rôle dans Le trésor de la Casbah Souira (Fleuve Noir, 1995) et La pierre makatea (Fleuve Noir, 1998).
Les voix de la nuit d'Adam Saint-Moore (Fleuve Noir, 1965) décrit un puissant chroniqueur américain capable, grâce à ses articles de presse et ses interventions à la télé, d'influencer l'opinion et de nuire à n'importe quelle célébrité au nom d'une morale hypocrite. Sa dernière victime est un talentueux auteur de théâtre. Le chroniqueur est assassiné. Le journaliste Ben Gillis et son ami policier s'intéressent aux proches de la victime. Pour découvrir la vérité, Gillis va frôler la mort.
Dernier exemple, et non des moindres : Une coquille dans le placard, de Jacques Vallet (Zulman, 2000). Le quotidien " Le Miroir " est en crise. Maréchal prétend toujours diriger habilement le journal qu'il a créé. Mais Garchin, un des principaux chefs de services, complote contre lui. Le journaliste Octave Bergé n'a pas envie d'entrer dans son jeu. Ce n'est pas Morel, le rédacteur en chef, de plus en plus souvent absent, qui s'opposera aux manœuvres de Garchin. C'est dans ce contexte que le corps d'Emmanuelle Courbet, journaliste-vedette du " Miroir ", est retrouvé atrocement mutilé. Bergé, provisoirement sur la touche, va enquêter sur cette affaire (qui bientôt ne passionnera plus la rédaction). Il ne peut espérer beaucoup d'aide du vaniteux policier Bidon. Bergé et son amie Sylvie ne sont-ils pas les prochaines victimes désignées de ce pitoyable assassin ? … Un roman un peu touffu, mais qui décrit admirablement l'ambiance d'un journal sur le déclin, et qui sait rester passionnant jusqu'au bout.
Journalistes héros ou seconds rôles, ils font partie de la Littérature policière depuis toujours : Rouletabille (de Gaston Leroux), Fandor (dans Fantômas, de Souvestre et Allain), Isidore Bautrelet (dans certains Arsène Lupin de Maurice Leblanc), Patrice Géron (ami d'Elvire Prentice La vieille dame sans merci, de M.B.Endrèbe), Marc Covet (le journaliste-éponge du " Crépuscule ", ami de Nestor Burma), Maurier (le localier désabusé de Radio-Corbeau d'Yves Ellena), et combien d'autres ! Aujourd'hui encore naissent de nombreux personnages de ce type - dont Maxime Lisbonne, l'investigateur de 12,Rue Meckert (Gallimard, 2001) de Didier Daeninckx.
Une enquête journalistique reste un bon moyen de révéler la vérité sur une affaire criminelle, donc d'en faire un sujet de roman.

Journalistes héros ou seconds rôles, ils font partie de la Littérature policière depuis toujours : Rouletabille (de Gaston Leroux), Fandor (dans Fantômas, de Souvestre et Allain), Isidore Bautrelet (dans certains Arsène Lupin de Maurice Leblanc), Patrice Géron (ami d'Elvire Prentice La vieille dame sans merci, de M.B.Endrèbe), Marc Covet (le journaliste-éponge du " Crépuscule ", ami de Nestor Burma), Maurier (le localier désabusé de Radio-Corbeau d'Yves Ellena), et combien d'autres ! Aujourd'hui encore naissent de nombreux personnages de ce type - dont Maxime Lisbonne, l'investigateur de 12,Rue Meckert (Gallimard, 2001) de Didier Daeninckx.
Une enquête journalistique reste un bon moyen de révéler la vérité sur une affaire criminelle, donc d'en faire un sujet de roman.


 

CLAUDE LE NOCHER

 

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