Résumé :
Lorsqu'un auteur veut décrire un personnage, il peut user de l'introspection psychologique, à la manière des romanciers du XIXe siècle, ou au contraire le décrire de l'extérieur, en notant son apparence, ses gestes, ses paroles et ses actes, à la manière de Faulkner et des romanciers de série noire.
Dans Frère Gaucher, roman épistolaire, Gripari a fait choix d'un troisième procédé : le personnage central est défini "en creux", par les avances, les attentions, les interpellations, les attaques, les agressions même dont il est l'objet. Tels ces habitants de Pompéi dont la cendre durcie du Vésuve nous a conservé le moule...
Mais les correspondants, qui sont-ils ?
Il y a une cousine de province, pleine de maladresse et de bonnes intentions. Il y a Guy Rachet, un jeune archéologue, spécialiste d'exégèse biblique. Il y a un écrivain de droite, nommé Pierre Gripari : un aigri, un raté, comme tous ceux de son espèce... Il y a un mort : Frère Gaucher, qui continue de se survivre, dans l'au-delà, d'une survie larvaire traversée de jeux de mots, de visions absurdes, de ratiocinations philosophiques, en attendant l'extinction complète. Il y a enfin un voyageur : Alfred Gamberger, qui parcourt, en compagnie de sa petite famille, l'Europe occidentale d'abord, puis l'U.R.S.S., puis la Chine.
Vers la fin du livre, cependant, nous sommes pris d'un doute. Et s'ils n'existaient pas, tous ces correspondants ? S'ils n'étaient que des projections du héros principal ? Si toutes les lettres étaient de lui, envoyées par lui-même à lui-même ? Alors, il ne serait plus "creux", et le roman tout entier ne ser lonologue à plusieurs voix ?