Interview Xavier-Marie Bonnot - La Première empreinte

Xavier-Marie Bonnot vient de publier son premier livre, La première empreinte, à l’Ecailler du Sud. Roman qui a obtenu le prix rompol (ex-aequo avec Yvonne Besson), prix totalement virtuel, décerné par les membres de ce forum de discussion. Pour un coup d’essai, c’est, comme il est coutume de dire, un véritable coup de maître. Il a bien voulu répondre à nos questions.

 

René Barone : Xavier-Marie Bonnot, vous venez de publier “ La première empreinte ” à l’Ecailler du Sud. Pourriez-vous vous présenter brièvement ?

X.M. Bonnot : Je suis né à Marseille en 1962 et j'y ai vécu 30 ans avant de prendre la décision de monter à Paris pour travailler. Je suis réalisateur de documentaires et un peu journaliste.

 

"La première empreinte"est-il votre premier roman publié ? Avez-vous déjà écrit d’autres romans policiers ?

X.-M. B. : Affirmatif ! J'avais écrit un premier roman... que j'ai jeté.

 

Avait-il un rapport avec La première empreinte ? Ou bien était-il complètement différent ?

X.-M. B. : Totalement différent. Mais le Baron était déjà présent. Je regrette de l'avoir jeté.

La première empreinte - Spéciales n°6
217 Pages - 2002
ISBN : 2914264240


Comment vous est venue l’idée de ce roman ? Je suppose que votre formation d’historien et de la grotte Cosquer (bien qu’elle apparaisse sous un autre nom dans le roman) un jour ça a fait tilt ?
X.-M. B. : Il est difficile de dire comment une idée vous vient. Elle germe dans votre esprit pendant de longs mois. La seule chose qui me travaillait était d'écrire un polar qui raconte Marseille autrement qu'à travers quelques clichés. Cette ville mérite mieux que des jeux de mots parfois douteux... J'ai donc imaginé une intrigue qui permette au lecteur de découvrir quelque chose de différent. La préhistoire marseillaise est particulièrement riche. L'idée qui avait germé a fini par me rendre la vie impossible. Elle me bousculait sans cesse dans mon sommeil, comme une bête tenace. Alors je me suis mis au travail.

Etes-vous vous même plongeur ? Avez-vous visité cette grotte ? Connaissez-vous “ l’inventeur ” de cette grotte, Henri Cosquer ? Savez-vous s’il a lu votre roman ?

X.-M. B. : Je ne suis pas plongeur, mais comme tous les minots de Marsiho, j'ai pratiqué un peu de chasse sous-marine. Au printemps, quand on séchait les cours, on allait tenter sa chance dans les calanques. La seule fois où j'ai plongé avec des bouteilles, j'ai bien failli me noyer. Celui qui m'a sorti de l'eau n'était autre... qu'Henri Cosquer. D'ailleurs, c'était lui qui m'y avait entrainé. Oui, je connais l'inventeur de la Grotte Cosquer. Il a lu le roman et m'a téléphoné pour me féliciter. Jean Courtin, plongeur et préhistorien qui a travaillé sur Cosquer, a fait de même.

Le nom du "flic": De Palma : est ce un clin d’œil à Brian de Palma ?

X.-M. B. : Absolument pas. Brian de Palma est un cinéaste prodigieux, mais il n'est pas à l'origine de ce nom. Par contre, peut-être sommes nous de la même famille...

Est ce que le choix du surnom de De Palma (Le Baron) est un clin d'oeil au Baron d'Anthony Morton (récemment réédité au Masque) ?

X.-M. B. : Pas du tout. C'est effectivement un clin d'oeil, mais d'ordre personnel, amical.

Est-ce que cette histoire de peinture dite du premier meurtre dans la grotte est un clin d'oeil aux meurtres en chambres closes ?

X.-M. B. : Non plus. Si vous faites allusion à la gravure qui existe réellement dans la grotte Cosquer, il s'agit d'une des premières représentations du meurtre dans l'histoire de l'humanité. Un meurtre rituel sans doute.

Etes-vous un amateur de "polars"? En lisez-vous beaucoup ?

X.-M. B. : Je suis devenu amateur de polars en écrivant un polar. Depuis, je ne lis plus que ça. Environ deux ou trois par semaine. En fait, cette passion n'est pas nouvelle, elle s'était simplement endormie. Cela remonte à mon enfance, quand mon père me racontait des histoires de détectives. Des histoires à épisodes qu'il inventait et qu'il contait avec un rare talent. Unique même. Les jours de grosses bêtises, j'étais privé d'histoire. Terrible! En matière de polar, je lui dois tout... Plus tard, je me suis détaché de cette littérature. Avant d'y revenir, il y a quelques années...

Quels sont vos auteurs préférés ?

X.-M. B. : Il y a tout d'abord les maîtres incontestés du genre: Irish, Simenon, Chandler, Capote, Goodis... À lire et à relire. J'aime beaucoup la série des Diskson de Jean Ray (encore un souvenir d'enfance). Mention particulière pour Chester Himes. Mais, parmi les vivants, le premier nom qui me vient à l'esprit est celui d'Ellroy. Le grand Ellroy! Viennent ensuite Tony Hillerman, Bunker, Mankell, Jonquet, Rankin, Connelly... Et bien d'autres. Assez peu de Français. Désolé pour Izzo, mais l'humanisme de cabanon m'ennuie très vite.

Avez-vous une définition du "polar"?

X.-M. B. : Je n'ai pas de définition du polar. Le plus souvent, les définitions m'inquiètent car elles ont tendance à poser des barbelés autour d'un genre littéraire. Cependant, il ne faut pas se voiler la face, le polar ne traite que de certains types de sujets. Disons que le ressort essentiel du polar réside dans l'intrigue, le plus souvent policière, et dans la manière de traiter la psychologie des personnages. Pour ma part, le polar c'est un écorché de l'humanité. Il y a toujours l'Homme confronté à sa part d'ombre, à la brutalité. Après avoir lu énormément de la "grande littérature", j'ai redécouvert la force de ce genre longtemps déconsidéré. Le polar en dit plus sur la société que les fanfreluches intellectuelles des écrivains qui hantent les rentrées littéraires. Et puis, disons-le: un bon polar est un livre qui vous tient en haleine d'un bout à l'autre.

Puisqu’on parle définition du polar et que vous êtes Marseillais : si je vous dis "polar Marseillais", qu’est ce que vous me répondez ? Ceci parce qu’on parle de l’école du polar Marseillais, que cela fait bondir certains auteurs, aussi j’aimerais savoir ce que vous en pensez.

X.-M. B. : Si écrire un polar marseillais consiste à verser quelques gouttes de pastis sur un plat de mots, je ne suis pas de ceux-là... Marseille est une ville monde, un décor somptueux pour l'écriture du polar, comme Los Angeles, New York ou Londres. C'est une ville noire, rugueuse, violente et dure. Une mosaïque de peuples harcelée par le chômage. Le milieu y a ses habitudes et surtout ses méthodes. Dans le fichier spécial de la répression du banditisme, les marseillais trônent de la lettre A comme Altiéri à Z comme Zampa... Question de prestige! On ne fait pas de la police à Marseille comme on en fait dans d'autres villes de France. Beaucoup de "grands flics" et de juges courageux l'ont appris à leurs dépens. Il existe donc bien un particularisme marseillais et il me paraît tout à fait logique qu'il se retrouve dans les polars qui parlent de cette ville. Existe-t-il une école du polar marseillais? Je ne pense pas. Il existe en revanche des auteurs qui assaisonnent leurs textes de particularismes locaux. Avec plus ou moins de bonheur... Tout cela peut faire penser à une école. Mais il faut attendre encore quelques années pour voir ce qui va rester de cette école.

Ce que j’ai aussi apprécié c’est que votre roman est débarrassé d’un certain folklore comme le dit justement le 4° de couverture, bien qu’il y ait des expressions traditionnelles et que vous avez mis comme Carrèse, comme Del Papas un petit lexique.

X.-M. B. : Le travail formidable de Carrèse dépasse largement le cadre folklorique... Pour ma part, le folklore ne m'intéresse pas car, le plus souvent, il instrumentalise les personnages et les situations et les enferme dans des conventions finalement assez lourdingues. C'est sûr qu'il y a les poissonnières du quai des Belges qui vendent les poissons "vivants au prix des morts", les supporters de l'Olympique qui "craignent dégun", les voyous qui s'affrontent à coups de calibres en pleine rue... Marseille a énormément souffert du folklore et continue d'en souffrir. D'autant plus que nombre de marseillais revendiquent la niaiserie et la considère comme une des Beaux-arts. C'est le côté provocateur et surprenant de la ville. Faut faire avec. Et tout le monde n'a pas le talent de Pagnol... Encore une fois, la cité phocéenne n'est pas la reine des comiques. Artémis n'est pas une cagole. Elle est grecque justement, et préfère la tragédie. C'est peut-être pour ça que l'opéra municipal fait souvent salle comble... La tragédie à côté de la légèreté et de la vulgarité. La violence la plus dure à côté de la pagnolade. Ceci dit, les marseillais s'expriment naturellement avec des mots qui, passé Aix en Provence, sont inconnus de la plupart des lecteurs. Aussi, il me semble logique de leur donner des explications en proposant un petit lexique. Ceci n'a aucun rapport avec le folklore. Les mots que j'ai utilisé sont très fréquents dans le parler marseillais. Moi-même, je les utilise souvent, ce qui ne manque pas d'étonner mes amis parisiens.

Autre question traditionnelle : combien de temps pour écrire "La première empreinte"?

X.-M. B. : Deux ou trois mois de travail effectif, étalés sur plus d'une année. Cela fait des nuits d'insomnie, quand le commandant De Palma me tirait du lit pour me dicter ses états d'âme.

Avez-vous un autre roman en chantier ? De Palma va-t-il devenir un personnage récurrent ? Je pense que nous sommes nombreux à l’espèrer !

X.-M. B. : De Palma a reçu un sérieux coup sur la tête. Il doit s'en remettre! Pas plus tard que la semaine dernière, il m'a téléphoné pour me dire qu'un tueur redoutable sème la terreur en Camargue. Le curé de Tarascon pense même qu'il s'agit de la Tarasque, ce monstre redoutable qui hantait la région aux premiers temps du christianisme et dont on a jamais su vraiment s'il avait disparu. Sainte Marthe a peut-être mal fait son boulot. Qui sait?

De Palma quitte Marseille ? Si tout va bien on le lit quand ?

X.-M. B. : De Palma n'a pas quitté la criminelle du SRPJ de Marseille. Simplement, il se retrouve avec une enquête sur les bras, dans un secteur dépendant du SRPJ. Mais tout n'est pas aussi simple, l'antenne de Tarascon a déjà commencé le travail et s'est orienté sur de fausses pistes. Comme dit le proverbe: écriture en décembre, lecture en avril.(Le proverbe ne dit rien sur l'éditeur.)


René Barone



Le résumé :

 

Le commandant Michel De Palma se trouve pris dans une enquête sans précédent dans les annales de la police marseillaise : une préhistorienne retrouvée noyée dans la calanque de Sugiton, un tueur barbare qui signe ses meurtres d'une main en négatif et une étoile filante du milieu marseillais, fils d'un ancien touilleur de morphine base, retrouvé, lui aussi, noyé dans la même calanque. Le lien entre tout ça? Il se trouve dans une caverne préhistorique dont líentrée se fait par -38 mètres, dans les eaux froides de Sugiton. Au début des années 90, un plongeur téméraire y a découvert des bisons, des chevaux et des mains en négatif, les premières empreintes, et une gravure dans le calcaire: l'homme tué, l'image la plus ancienne du meurtre dans l'histoire de l'humanité..

 

Source : L'Ecailler du Sud

 

 

Ce que nous en pensons :

 

Tout commence par la découverte du cadavre d'une préhistorienne dans la calanque de Sugiton. L'enquête est confiée au commandant Michel De Palma, un "flic" d'une cinquantaine d'années qui en a vu de toutes les couleurs au cours de sa carrière. Mais là il va être servi. C'est dans cette même calanque que le fils d'un ancien truand, aujourd'hui retiré des affaires, a été retrouvé noyé. Accident de plongé avait-on conclu. Accident ? Juste à l'endroit où une grotte préhistorique avait été découverte quelques années plus tôt, et où déjà trois plongeurs avaient trouvé la mort ? Et puis voilà qu'un tueur se manifeste. Il tue selon des rites venus d'autres temps, en laissant une empreinte en négatif, comme on en voit sur les murs de certaines grottes préhistoriques…
Michel De Palma et ses adjoints, Maxime Vidal et Anne Morachinni, vont mener une enquête que l'on suit avec un intérêt sans cesse croissant jusqu'à un final haletant, digne des meilleurs suspens.
Pour un premier roman c'est une vraie réussite. X.-M. Bonnot signe là un "polar" de grande classe, efficace, tendu, avec des personnages crédibles, à l'épaisseur humaine. On espère que l’auteur n’en restera là et qu’il nous donnera d’autres romans de cette qualité.

 

Notre note :

 

 

En savoir plus sur Xavier-Marie Bonnot :

 

http://membres.lycos.fr/polar/html/xmbn.html