Pour la sortie de son nouveau livre, Jérôme Bucy, auteur édité chez Liv'Editions, a bien voulu répondre à quelques questions sur son parcours et sur ses deux derniers titres.

Général

Bibliopoche : En quelques mots, pouvez-vous vous présenter ?
Jérôme Bucy : Je suis né en août 1961 à Saint-Quentin dans l'Aisne et je vis aujourd'hui à Paris. De formation scientifique (vétérinaire), j'ai ensuite poursuivi mes études par des cours dans deux domaines qui me tenaient particulièrement à cœur :
-les pathologies psychiatriques et la pharmacologie du système nerveux central à l'hôpital Lariboisière,
-l'Histoire (en particulier l'Histoire contemporaine, le XXème siècle) à la Sorbonne.
Depuis une quinzaine d'années, je travaille à la préparation de dossiers scientifiques pour les industries pharmaceutique et cosmétique.
Mes loisirs sont partagés entre l'écriture et les voyages, avec un attachement tout particulier pour le Moyen-Orient et les différentes cultures européennes.

 

 

Quand avez vous commencé à écrire ? Comment cela vous est-il venu ?
J.B. : J'ai commencé à écrire au retour d'un voyage à Jérusalem en 1999, l'envie de partager les émotions ressenties dans cette ville mythique et dans les pays situés à l'est de la Méditerranée, une région dans laquelle ma sœur vit depuis une douzaine d'années et où je suis allé à de très nombreuses reprises. Une région attachante que j'ai appris à connaître au fil du temps.
Mais tout a débuté longtemps auparavant, alors que j'avais dix ans, lorsque ma grand-mère m'a remis ma première lecture d'adulte, " Mort sur le Nil ", me faisant alors découvrir l'amour des livres et des voyages. Ma sœur m'avait appris à lire quelques années plus tôt. Nous avons partagé ensuite une même passion pour l'écriture.

Ce genre choisi, le suspense, est-il un genre que vous aimez ou
s'est-il naturellement imposé à vous ? Pourquoi ?
J.B. : Les romans à suspense ont été mes premiers livres d'enfant et c'est cette catégorie qui m'a procuré mes plus grands plaisirs de lecture. Le suspense permet de développer tous les aspects des autres littératures (que ce soit les romans historiques, d'aventures, d'amour…) avec en prime l'engagement de surprendre le lecteur à la fin. C'est une littérature interactive dans laquelle le lecteur suit le héros dans sa quête, tente de déjouer avant lui les pièges qu'on lui tend, essaie de déceler les fausses pistes.
Les romans à suspense sont également particulièrement propices à l'étude de personnages qui, suite à un événement particulier, vont mettre leur quotidien entre parenthèses pour mener une quête, partir à la recherche de quelque chose. Cette recherche leur donnera un nouveau regard sur le monde, sur les autres, et bien souvent sur eux-mêmes. C'est cet autre regard que je traque, un nouvel angle de vue permettant de découvrir les autres, leur culture… ou de révéler des événements tenus secrets ou enfouis dans son propre passé.

Dans vos livres, on retrouve une place plus ou moins grande pour la Bretagne... Vos origines ? Un amour pour cette région ?
J.B. : La Bretagne n'est présente que dans mon dernier roman, mais c'est vrai que la chapelle Sainte-Barbe du Faouët y occupe une place de choix. En fait, que ce soit la Bretagne, la Picardie, la Camargue, l'Allemagne, le Moyen-Orient… j'attache beaucoup d'importance aux lieux dans lesquels se déroule l'intrigue, ils ne sont jamais choisis de façon fortuite. Ce sont des lieux qui m'ont inspiré, ému, ou dans lesquels des événements qui me tiennent à cœur se sont déroulés. Des lieux que j'aime, que j'ai envie de partager, et qui contribuent à créer l'atmosphère de certaines scènes. Et si la description des lieux donnait l'envie au lecteur de se rendre sur place, ce serait vraiment formidable.
En tout cas, je ne débute pas l'écriture d'un roman sans avoir une idée précise des endroits où se déroulera l'action.

Le choix de votre éditeur "Liv'Editions" est-il un choix délibéré ? Avez-vous eu des difficultés pour faire éditer vos livres ?
J.B. : Avant d'envoyer le manuscrit de mon premier roman aux maisons d'édition, je me suis documenté sur leurs gammes éditoriales (via les salons du livre, les librairies, les bibliothèques, ou sur internet), puis j'en ai sélectionné quelques unes : certaines très renommées, d'autres moins connues mais faisant preuve d'un certain dynamisme.
Liv-éditions faisait partie de cette seconde catégorie et avait fait l'objet d'articles élogieux dans la presse nationale qui la décrivait comme une maison d'édition actuellement diffusée dans la région Bretagne, mais ayant décidé à court terme d'être présente au niveau national. Leur collection m'a semblé de qualité (tant au niveau des écrits publiés que de la qualité des livres : couverture attrayante, présentation agréable).
Je leur ai donc envoyé mon manuscrit et lorsque les éditeurs m'ont contacté pour signer le contrat, j'ai rencontré des hommes passionnés de littérature, dynamiques, et j'ai vraiment eu envie de voir mon livre publié dans leur collection.
Liv-éditions était à une époque charnière de son évolution à cette époque, j'aimais l'idée de partager avec eux ce moment là. Eux et moi, nous vivions une nouvelle aventure : Liv-éditions allait être diffusé nationalement, quant à moi je publiais mon premier roman.

Vos héros sont des jeunes (fille ou garçon). Vivez-vous au travers de
vos livres une jeunesse que vous auriez aimé avoir ?

J.B. : Les héros de mes deux derniers romans sont très jeunes effectivement, ils ont environ vingt ans (ce qui n'était pas le cas du héros de mon premier roman, Jérusalem Interdite, qui avait une trentaine d'années). En fait, ces deux personnages sont jeunes, mais pour des raisons différentes.
Dans Amères Désillusions, le héros a une vision idéalisée du monde et des autres. Il mène sa quête en suivant un tracé tout droit au fil des pages, sans dévier de sa route, refusant les compromissions, prêt à tout pour satisfaire ses idées de justice et d'honneur. Des idéaux que l'on défend à vingt ans… Ce n'est qu'en fin de roman qu'il acceptera de mettre de côté ses illusions pour voir la vie différemment, et grandira enfin.
Dans La Maison des Enfants Rouges, l'héroïne souffre d'un mal être qu'elle a du mal à définir, mais dont l'origine se trouve parmi des secrets familiaux non révélés, refoulés au plus profond du passé, et qui vont ressurgir à la fin de son adolescence, une période de la vie où l'on est particulièrement fragile.
Le choix de l'âge des héros est donc plus lié au contexte des histoires qu'à une volonté de vivre moi-même leur aventure par procuration. En tout cas pas de façon consciente.

Vos protagonistes ont des caractères profonds et détaillés. Vous faites des profils avant d'écrire ? Décrivez-nous si possible votre manière de travailler.
J.B. : Avant d'initier l'écriture d'un roman, je consacre une période assez longue (plusieurs mois) à me documenter sur le sujet. En parallèle, je rédige un plan détaillé et je pars à la découverte des lieux (ou redécouverte parfois, mais avec un nouveau regard). C'est une phase de préparation qui me plaît et à laquelle j'aime consacrer du temps. Les personnalités des protagonistes de l'histoire commencent alors à se forger. Mais elles ne se mettent définitivement en place que durant l'écriture du roman, au hasard des discussions que les personnages entretiennent entre eux, me révélant parfois des facettes que je n'avais pas soupçonnées au départ. En fait, tout se passe comme s'ils avaient leur personnalité propre, qu'ils me révèlent peu à peu, et que je découvre sans être vraiment acteur.

Vous semblez être adepte des fins à rebondissement majeur. Vous en
avez assez des livres ou tout se finit bien ou mal ? Pourquoi ces choix ?

J.B. : A mon avis, la littérature suspense repose sur un postulat, une sorte de pacte de lecture établi entre l'auteur qui veut surprendre le lecteur, et le lecteur qui veut déjouer les fausses pistes et les faux semblants avant l'épilogue. Le suspense est pour moi une forme de littérature interactive.
Alors j'attache beaucoup d'importance à l'épilogue que j'essaie de rendre surprenant ou émouvant, j'essaie de chahuter le lecteur pour qu'il garde quelque chose de la lecture, il n'y a rien de pire qu'un livre qui ne vous laisse rien. Je tente donc le tout pour le tout dans les dernières pages… tout en ayant à cœur de maintenir une certaine cohérence par rapport à ce qui précède. L'épilogue doit étonner tout en restant logique et crédible. C'est toute la difficulté mais également une grande part du plaisir que j'éprouve quand je prépare le plan de l'intrigue.
Lorsque rien n'est établi avant la dernière page, lorsque les différents personnages ne se dévoilent qu'à la fin, on ressent d'autant plus l'envie de poursuivre la lecture. C'est ainsi que je le ressens en tout cas.

Amères Désillusions

Ce livre nous amène dans divers endroits de la planète. Ont-ils fait
l'objet de voyages de préparation ?

J.B. : La description des lieux contribue à l'intrigue, au mystère, à l'atmosphère du roman. Elle permet au lecteur de mieux plonger dans l'univers romanesque. Pas facile de véhiculer l'émotion de la découverte et de l'histoire des lieux sans y être allé soi-même et s'être laissé imprégner par l'ambiance, sans avoir pris le temps de discuter sur place avec les habitants.
Ceci étant, il m'arrive parfois de modifier volontairement la topographie ou l'aménagement de certains sites pour les besoins de la fiction. Ce fut le cas pour Jérusalem Interdite par exemple, mais difficile d'en parler sans dévoiler l'intrigue. Il m'arrive également de créer de toutes pièces des lieux, tout simplement parce qu'ils n'en existe pas tels que je les imagine. De plus, il est parfois préférable que des personnages au passé trouble habitent des lieux fictifs pour éviter toute attaque en diffamation.

Cela signifie que, contraint ou forcé, un auteur prend des risques à publier (autres que la peur de ne pas vendre) ou s'autocensure simplement pour pouvoir être tranquille après la publication du roman ?
J.B. : C'est vrai que j'applique parfois l'auto-censure, mais j'avoue l'avoir fait sans y avoir été contraint. J'essaie d'être vigilant pour éviter que l'on attribue aux personnes vivant dans les lieux que j'ai retenus pour mes fictions, des actes fictifs issus de mon imaginaire.

Les lieux visités en France (notamment le phare) sont-ils fruit de
votre imagination ou basés sur des endroits réels ?

J.B. : Les lieux visités en France sont réels (Camargue, Saint-Quentin, Ault), à l'exception du château-musée de Ernst à Saint-Quentin et… du phare de Picardie. Il m'est difficile de faire ce dernier aveu, j'avoue m'être moi-même beaucoup attaché au phare, le Sémaphore des Chimères, et j'aurais vraiment aimé qu'un tel endroit existe. En tout cas, s'il existe, je ne l'ai pas encore trouvé.
Il existe à Saint-Quentin un petit château transformé en musée (le musée Antoine Lécuyer) qui possède une belle collection de pastels de Quentin de la Tour. Mais le château-musée de Ernst est fictif. J'ai volontairement inventé ce dernier car le personnage de Ernst n'est pas très sympathique, et je ne voulais pas qu'il puisse y avoir de confusion entre le musée de ce personnage fictif et le musée Lécuyer cher au cœur des habitants de Saint-Quentin.

Un autre aspect du " qu'en dira-t-on ", non ?
J.B. : Dans ce cas particulier, ce n'est pas le " qu'en dira-t-on " qui m'a poussé à créer le château-musée de Ernst, c'est plutôt l'attachement particulier que j'ai envers le musée Lécuyer. Ce dernier est un petit bijou que j'ai toujours eu plaisir à visiter, c'est un lieu que j'aime et où je me sens bien. Si l'un de mes romans pouvait donner de ce lieu une image négative, ce serait vraiment un comble.

Vous faites référence à des procédés scientifiques de "performance".
Est-ce de la fiction ou l'objet d'études réalisées basées sur des faits réels.
J.B. : Les performances scientifiques des chevaux sont totalement issues de mon imagination. Ceci étant, j'ai travaillé pendant plusieurs années pour un laboratoire pharmaceutique à la préparation de dossiers analysant les résultats des études d'efficacité et de toxicité des médicaments chez l'homme. Je connais bien les données présentées dans ces études, que ce soit le choix des marqueurs de l'efficacité ou les effets secondaires potentiels. Transposer cette expérience au milieu animal et aux chevaux en particulier n'a pas été bien difficile. J'ai une formation de vétérinaire et j'ai fait de l'équitation dans ma jeunesse. Un peu d'imagination et le tour était joué.


La Maison des Enfants Rouges

Sous couvert d'une histoire, vous mentionnez des études et des
procédés de psychothérapie un peu en marge. Imagination ou réalité ?

J.B. : Je pense que les méthodes d'investigation pratiquées par le psychiatre sont, ou pourraient être, réelles. La psychiatrie est un domaine qui m'intéresse depuis longtemps, j'avais d'ailleurs obtenu une maîtrise en pharmacologie du système nerveux central à l'hôpital Lariboisière il y a quelques années. Ceci étant, j'ai demandé à une amie médecin ayant pratiqué en hôpital psychiatre de relire et commenter mon manuscrit avant de le proposer à Liv-éditions.
Par contre, les méthodes employées par la psychologue sont moins académiques et totalement issues de mon imagination… mais plausibles à mon avis. Dans la mesure où les thérapies classiques tentées précédemment avaient échoué, il était légitime que la psychologue essaie d'obtenir des résultats en expérimentant une nouvelle approche.

Ce livre a dû nécessiter de longues recherches tant au niveau
scientifique que de lieu ?
J.B. : Pour ce qui est des lieux, je me suis beaucoup documenté à partir d'ouvrages (achetés ou consultés en bibliothèque) ou sur place (marché des Enfants Rouges dans le troisième arrondissement de Paris, chapelle Sainte-Barbe et ville du Faouët dans le Morbihan, église Notre Dame de Confort dans le Finistère). J'ai passé du temps sur les lieux pour discuter avec les habitants ou les personnes connaissant l'histoire des sites (légendes de la chapelle Sainte-Barbe, histoire de Marion du Faouët), j'ai également pris de nombreuses photographies. Je suis ensuite retourné sur les sites lorsqu'ils étaient déserts pour m'imprégner des lieux et les imaginer avec les personnages de ce troisième roman. Et quand je me suis senti prêt, j'ai enfin initié l'écriture du livre.
Pour ce qui est des recherches scientifiques, je les ai décrites dans la question précédente.

Sans trop dévoiler l'histoire, où se situent fiction et réalité autour
de ces "Maisons"
?
J.B. : La Maison des Enfants Rouges doit réellement son nom à un orphelinat parisien situé dans le troisième arrondissement, rue de Bretagne, dans lequel les enfants étaient vêtus en rouge. Cet orphelinat a été détruit au début du XIXème siècle. Par contre, l'un des plus vieux marchés de Paris localisé dans ce quartier porte aujourd'hui encore le nom de Marché des Enfants Rouges. Pour le découvrir, il suffit de se rendre au croisement de la rue de Bretagne et de la rue Charlot.
La Maison des Enfants Rouges du Faouët n'a, par contre, jamais existé.

Comment voyez-vous votre avenir à court terme ou long terme ? Un nouveau roman, d'autres projets ?
J.B. : Un autre roman ? Oui, bien entendu. Pour l'instant, je suis en train de collecter des informations dans un domaine qui me passionne mais que je garderai encore secret… un peu de mystère que diable ! Ce thème sera au centre de l'intrigue et va nécessiter que je parte repérer des lieux en Europe de l'Est cet hiver.
Le plan de ce roman devrait être bientôt terminé, j'initierai donc certainement l'écriture du prologue cet automne.
Les projets à court terme, c'est donc de démarrer l'écriture d'un quatrième roman et de partir en voyage en Europe de l'Est avant la fin de l'année. Plutôt sympathique, non ?
Quant aux projets à long terme… on verra demain.

 

Voir la fiche de l'éditeur Liv'Editions

Benjamin DUQUENNE