Après la lecture du dernier roman de Gérard
Delteil, les pillards de Bagdad, jai eu envie den
savoir plus et je lui ai fait parvenir mon petit questionnaire :
René Barone : Gérard
Delteil pourriez-vous vous présenter rapidement aux
lecteurs de ce site (profession, âge, etc.) ?
Gérard Delteil : Je suis né en 1939,
donc pas tout jeune, et je nai commencé à
publier quen 1984. Auparavant, jai exercé
les professions de dessinateur de trottoir, crayeur
, cest à dire de mendiant professionnel,
puis de journaliste. Je suis toujours journaliste en free
lance, mais je consacre lessentiel de mon temps à
lécriture de mes romans.
Question traditionnelle : pourquoi écrire ?
La passion de raconter des histoires. Je lai depuis
lenfance.
Pourquoi du polar ? Avez-vous écrit autre chose
? Si oui, quoi ?
Jadore, le mystère, lintrigue, les rebondissements
sophistiqués. Latmosphère des romans noirs
aussi. Mais jai aussi écrit des romans de SF,
des romans historiques et des livres denquête
journalistique.
Parlons un peu roman policier. Le
"polar" c'est quoi pour vous ?
A la fois le mystère et létude de
milieu. Une grande liberté pour parler des sujets qui
me tiennent à cur, de lIrak aux prisons,
en passant par les scandales de la médecine.
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Quels sont vos auteurs de polars préférés
?
Impossible de les citer tous. Dans le peloton de tête : Westlake
(pas tout), Jim Thomson, Jim Nizbeth (pas tout), Tony Hillerman.
Pour les Français : Jean-François Vilar.
Vos trois polars préférés ? (mais on peut
aller jusqu'à cinq !)
Le couperet de Westlake, Le maton enragé de Ron Kurz (son
unique livre), La bouffe est chouette à Patchakulla de Ned
Crabb, Là où dansent les morts de Tony Hillermann,
1225 âmes de Thomson (je ne suis pas sûr que cest
le nombre exact), Les exagérés de Jean-François
Vilar, Mygale de Jonquet.
Est-ce que vous lisez beaucoup ? Que des
romans policiers ?
Je lis beaucoup de polars, mais aussi des livres dhistoires,
des documents et énormément de journaux.
Comment écrivez-vous vos romans ? en partant sur
une vague idée et en découvrant les péripéties
au fur et à mesure ou bien en suivant un schéma bien
défini que vous suivez à la lettre ?
Plus le roman est gros, plus je mefforce de dresser un synopsis
relativement précis. Mais je ne le suis jamais : les personnages
nen font parfois quà leur guise et les idées
me viennent au fur et à mesure. En général,
jessaie tout de même de trouver une chute qui me plaise
avant de commencer, car je considère la chute comme très
importante.
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Vous avez écrit des romans "sur commande"
comme "Retraite anticipée" au Fleuve Noir.
Cela n'est-il pas fastidieux de satisfaire à une commande
? D'avoir à livrer un livre sur un thème imposé
?
Je préfère au contraire quon me commande
les livres car ça me sécurise. Je suis sûr
que le roman va être accepté ( léditeur
a payé
) et je ne mimpose aucune auto censure.
Je préviens toujours léditeur que je ne
respecterai pas le synopsis que je lui remet.
Les Pillards de Bagdad est un roman qui colle de très
près à l'actualité. Comment est venue
cette idée que le pillage du musée de Bagdad
pouvait être le fait de collectionneurs américains
?
Tout simplement dans la presse : le New Yorl Herald Tribune
et dautres journaux ont parlé du rôle très
louche dune association de grands collectionneurs et
de marchands dart très proche de Bush. Les chars
qui montaient la garde devant le musée se sont éclipsé
juste avant larrivée des premiers pillards
Dans un passage vous n'êtes pas tendre avec certain(e)s
journalistes :"La présentatrice d'une chaîne
française
avait cru bon de se couvrir les cheveux
d'un foulard bleu
Sans les quelques mèches blondes
artistiquement disposées qui s'échappaient de
son fichu, et ce petit tailleur vert très sexy, on
aurait pu la croire elle-même directement soumise à
la pression des imams". Il me semble l'avoir reconnue
! Elle est sur TF1 ?
Pas de délation ! Mais lanecdote est vraie. Elle
ma été racontée par des journalistes
qui ont vécu à lhôtel Palestine.
En fait, elle était sur le toit de lhôtel
et non devant comme dans le roman.
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Combien de temps en moyenne pour écrire un roman ? Et
combien pour "Les pillards de Bagdad" ?
Il ny a pas de moyenne : ça va dune semaine pour
Pièces détachées à six mois pour Le
Miroir de lInca, roman historique qui ma demandé
un gros travail. Pour les pillards, il ma fallu deux mois
décriture à temps complet, parfois de 7 H du
matin à minuit, voire deux heures du matin.
Est-ce que vous vous documentez toujours abondamment avant de
vous lancer dans l'écriture de vos romans ? Par exemple pour
"Les pillards", combien de temps pour réunir la
doc nécessaire et faire "mûrir" le projet
?
Toujours. Pour les Pillards environ un mois et demi de documentation
(lectures, vidéo, web etc) et dentretiens avec des
journalistes et des émigrés irakiens. Cest le
seul livre que jai écrit sur un pays où je nai
jamais mis les pieds. Pour les Incas, javais fait un repérage
au Pérou.
Parmi vos romans quel est celui que vous préférez
?
KZ, retour vers lenfer, qui se déroule dans un camp
de concentration.
Vous avez été, si j'ai bonne mémoire, à
l'origine de la collection "MétroPolice". Pourquoi
une telle collection ? C'était assez courageux de publier
des auteurs de la collection Ferenczi tombés dans l'oubli
comme Jean Bonnery, André Charpentier, Georges Grison, Franck
Romano, etc.
Ce choix venait du patron des Editions de la Voute : Olivier Breton,
un fanatique de polar. Pour les auteurs français, il me laissait
carte blanche.
Quelles sont les raisons de l'arrêt ? Le public n'a pas
suivi ?
Sélecta, le propriétaire du parc de machines automatiques
(où lon trouve surtout des bonbons) a voulu ensuite
vendre des livres de poésie, puis sur le cinéma etc.
Son objectif était de se donner un supplément dâme
avec la culture. Puis, il y a eu des changements dans la nomenklatura
qui gère cette entreprise et ça ne les a plus amusés.
Ce nétait ni une question de fric ni de chute des ventes.
Olivier Breton était prêt à continuer sans eux.
Il a fait fabriquer une machine spéciale à ses frais.
Mais cest un type qui dirige une boite de com, qui a 1000
idées par minute et na jamais le temps de les réaliser
toutes
Vous avez écrit de la
SF. Est-ce que vous en lisez ? Quels en sont vos auteurs préférés
?
Je nen lis plus beaucoup car je suis un peu allergique
aux auteurs actuels ou peut-être que je les choisis
mal car je ne suis plus lactualité de la SF. Parmi
les auteurs actuels, jaime assez Brussolo, mais je trouve
quil se répète beaucoup. Sinon, mon Dieu
est P.K. Dick. Pour moi, Ubik est le chef duvre
absolu. Mais jaime aussi beaucoup des auteurs comme Farmer,
Andrevon et Pelot.
En réalisant la bibliographie j'ai relevé un
livre "Charity Life" qui ne figure pas sur votre site.
Qu'en est-il ?
Charity life est le premier titre de Balles
de charité , qui devait, à lorigine
paraître chez Patrick Siry quand il a quitté le
Fleuve Noir pour créer sa propre maison dédition.
Il a déposé son bilan très vite, mais,
à linverse de ce qui se passe habituellement dans
ces cas là, jai été payé deux
fois : une première fois par Siry qui mavait versé
un a-valoir cétait une commande - et une
seconde par la Série Noire
(Balles de Charité
a depuis été réédité par
Folio noir et, ces jours derniers, par France Loisirs). Jai
donc fait une bonne affaire avec ce bouquin, qui a été
traduit.. en roumain et en polonais.
Puisque vous parlez de traduction. Avez-vous eu d'autres
romans traduits ?
Le Miroir de lInca a été traduit en Italien
et en Espagnol. Chili incarné en allemand et en grec.
Dernier tango à Buenos Aires en grec. Fugues à
Buenos aires en Allemand et italien. Les pillards de Bagdad
va être traduit en polonais et jai bon espoir dans
dautres traductions car léditeur (LArchipel)
se donne du mal ce qui nest pas toujours le cas
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En consultant certains sites, j'ai relevé des livres signés
Gérard Delteil sur la franchise et un sur l'Eglise. Cela
ne figure pas sur votre site. En êtes-vous l'auteur ?
Jai en effet publié plusieurs bouquins sur la franchise
je suis spécialiste du franchising (discipline purement
alimentaire). Mon Que sais-je La franchise commerciale
a été traduit
en russe. Jai tiré
de ma connaissance de ce milieu La confiance règne
, une histoire descroc de la franchise très proche
de la réalité jai dénoncé
pas mal descrocs dans diverses enquêtes
En revanche, la religion, cest mon homonyme le pasteur Gérard
Delteil ! (Il est semble-t-il de gauche et a fait des trucs contre
la guerre dIrak). Il y a eu quelques quiproquos et gags en
raison de cette homonymie. Nous étions tous les deux invités
à Bruxelles, lui pour un séminaire protestant, moi
pour un débat polar dans une fac. Et les gens du séminaire
religieux se sont par hasard adressé à moi en mexpliquant
quils allaient me loger et venir me chercher en voiture. On
ne sest aperçu de la méprise quau dernier
moment. Ils mont alors dit que jétais le bienvenu
si je voulais venir quand même en dépit de mon athéisme
déclaré
Vous avez été "crayeur" pendant 10 ans
! Est-il possible de vivre de ce "métier" ?
Je gagnais très bien ma vie, car jétais très
pro. Je connaissais tous les quartiers, les spécificités
des habitants etc. Jai raconté ça dans
Noubliez pas lartiste .
Puisque vous avez fait les Beaux-Arts, avez-vous essayé
la BD, les illustrations de bouquins ?
Jai fait des panneaux décoratifs dans des bistros,
des portraits dans la rue, et les maquettes de costume du film
Le fils de Tarass Boulba ! Javais une excellente technique,
mais absolument aucun talent. Je peignais des chromos hyper réalistes
qui plaisaient beaucoup, mais comme dessinateur de BD, jaurais
été nul. En revanche, jai fait quelques scénarios
de BD dont certaines ont été publiées, notamment
dans La Vie Ouvrière.
Avez-vous un autre roman en chantier ? Si oui, son thème,
son titre si ce n'est pas indiscret.
Ce nest pas indiscret. Cest une commande : un gros thriller
de semi fiction sur une gigantesque inondation à Paris en
2010. Ca paraîtra aussi chez lArchipel. Si tu as une
idée de titre, elle est la bienvenue. (Westlake a déjà
pris Dégats des eaux, qui est un bon titre.)
Quelle question ai-je oublié de vous poser ? (et le réponse
!)
Eprouve-t-on toujours le même plaisir à écrire
après 60 livres publiés (à peu près)
? Je réponds : oui, mais on devient de plus en plus exigeant
vis à vis de soi même, on est de moins en moins satisfait,
car on a un regard plus critique, on voit toutes les faiblesses
de ses propres romans et on nest pas toujours capable pour
autant de les surmonter. Ca gâche parfois un peu le plaisir
de raconter. Quand on débute, on est naïf et tout content
de ce quon écrit
René BARONE
Retrouvez le questionnaire de Proust à Gérard delteil
à cetet adresse :
http://membres.lycos.fr/polar/html/mgouiranporten.html
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