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Entretien avec Annie Barrière

J’avais beaucoup aimé ses deux premiers “polars made in Marseille”: Une belle ville comme moi et Un cochonnet de trop (Collection Baleine). La lecture de son excellent roman "Tueuse"puis "Chien des quais" m’a donné envie de mieux connaître Annie Barrière.

René Barone : Annie Barrière pourriez-vous vous présenter rapidement aux lecteurs de ce site (profession, âge (si ce n'est pas trop indiscret) etc.) ?
Annie Barrière : Je suis née à Marseille il y a quarante-huit ans. J’ai exercé plusieurs professions, mais je ne n’ai jamais été flic, ni tueuse à gages , ni pute, ni détective privé. Ce qui tendrait à prouver que je n’écris pas d’autofiction. Donc, ma vie privée est … privée...

Question traditionnelle : pourquoi écrire ?
A.B. : Réponse traditionnelle : parce que je ne peux pas vivre sans. Depuis le temps, je me suis fait une raison.

Pourquoi du polar ? Avez-vous écrit autre chose ? Si oui, quoi ?
A.B. : Oui, du théâtre, des nouvelles, des articles sur la peinture, un livre sur Cézanne. Mais le genre romanesque m’intimidait un peu. C’est le polar qui m’a débloquée. J’en lisais beaucoup, et je me suis dit pourquoi pas moi…

Est-ce que c'est la "mode" du polar Marseillais qui vous a donné l'envie d'écrire vous aussi dans cette voie ?
A.B. : Non. Je mettais la dernière main à Une Belle Ville quand Total Khéops est sorti et a connu le succès qu’on sait. Je l’avais un peu mauvaise parce que le Marseille d’Izzo est assez proche du mien, en particulier le quartier du Panier. Le temps de trouver un éditeur, et la mode du “ polar marseillais ” était née. Tant pis ou tant mieux ! Il se trouve que je suis marseillaise et que j’avais envie de parler de ma ville, à ma façon. C’est le “ à ma façon ” qui compte…

Est-ce que vous pensez que le polar "marseillais" est différent des autres types de polars ?
A.B. : Non, sinon qu’il se passe à Marseille ! Il restitue donc quelque chose de la ville, ses odeurs, ses couleurs, sa langue… S’il est réussi, il doit laisser au lecteur une trace de cela, presque un goût dans la bouche… Pareil pour New-York, Londres ou Barcelone. Qu’il y ait une veine de polars marseillais, (et sûrement pas une école), ça prouve seulement que c’est une sacrée ville !

Parlons un peu roman policier. Le "polar" c'est quoi pour vous ?
A.B. : C’est une façon d’aborder le monde et la vie par le versant “ noir ”, ce qui n’empêche pas l’humour, bien au contraire, qui est comme on sait la politesse du désespoir. Oui, il y a une politesse du polar, qui consiste à se préoccuper du lecteur, à lui raconter une histoire qui le tienne en haleine, même si c’est une histoire terrible.

 

 

Est-ce que vous lisez beaucoup de romans policiers ? Quel est votre genre préféré : noir ? whodunit ? thriller ? suspens ?
A.B. : Oui, et presque exclusivement du noir. Je n’accroche pas vraiment avec les autres genres. Mais enfin, les classifications ont leurs limites.

Quels sont vos auteurs de polars préférés ?
A.B. : A l’origine de mon goût immodéré pour le genre, il y a Chandler. Tous les auteurs que j’aime vraiment ont une dette envers lui : Himes, Ross McDonald, McBain, Block, Crews, Crumley, Friedman, Connelly, Westlake. J’en oublie évidemment. J’ai une tendresse particulière pour Marc Behm, son univers si particulier, sa liberté. Pour moi, Mortelle Randonnée est un des plus beaux polars qu’on ait écrits. J’aime aussi Montalban, Paco Taïbo, Camilleri, et comme je ne suis pas raciste, j’aime même les polars nordistes…

Combien de temps en moyenne pour écrire un roman ?
A.B. : C’est variable. Ca dépend surtout du temps de libre que me laisse mon gagne-pain (écrire ne me nourrit pas hélas). 2 ans environ pour Une Belle Ville, moins d’un an pour Un Cochonnet, deux, trois mois pour Tueuse. Quand au quatrième que je viens de terminer, je l’ai abandonné à plusieurs reprises, et repris ensuite.

Comment écrivez-vous vos romans ? en partant sur une vague idée et en découvrant les péripéties au fur et à mesure ou bien en suivant un schéma bien défini que vous suivez à la lettre ?
A.B. : En partant sur une vague idée toujours, et encore… Jamais de plan, ni de documentation, ça m’ennuie trop. Au contraire, je fais le vide en moi, je chasse les idées, les informations, les livres que j’ai lus. Tout ça m’influence bien sûr, mais ça doit être digéré, presque oublié. En général c’est la première phrase qui déclenche tout. Puis très vite ce sont les personnages qui s’imposent à moi, et je les suis à la trace. Je suis toujours surprise de là où ils m’emmènent…

Parmi vos romans quel est celui que vous préférez ?
A.B. : Je les aime tous bien sûr. On ne choisit pas parmi ses enfants ! Ca me plait bien qu’ils soient très différents les uns des autres.

Vous avez publié deux romans avec pour héros le privé marseillais Raoul Bustamente, dit Busta. Pourriez-vous nous dire comment est né ce personnage ? Busta ressemble à Burma. Y a-t-il une influence ?
A.B. : Raoul Bustamente est un petit-fils de Philip Marlowe, après beaucoup d’autres. J’adore ce personnage du privé dans la littérature et au cinéma. Il est absolument sans aucune illusion, dur et plein de tendresse à la fois. Et puis c’est un personnage métaphysique ! Tous m’ont influencée, y compris Nestor et son chat… J’aime bien l’interprétation qu’en donne Guy Marchand à la télé. Il y a du Burma dans Busta, c’est sûr.

Busta est le héros de vos deux premiers romans policiers. Est-ce que vous avez écrit un autre roman avec ce héros ? Si oui, pouvez-vous nous dévoiler son titre ?
A.B. : Oui, ça s’appelle Chien des Quais et ça vient de sortir du four.

La collection Baleine ayant disparu, avez-vous présenté ce roman à un autre éditeur ?
A.B. : Oui, mais c’est un peu tôt pour en parler. Ce qui me ferait plaisir, c’est qu’ils sortent tous les trois dans une même collection, pour former une trilogie. C’était le projet initial et j’espère qu’il se réalisera

Y aura-t-il d'autres "Busta" ?
A.B. : En tout cas il est sorti vivant du troisième, donc tous les espoirs sont permis…

La télé cherche toujours de nouveaux héros pour varier ses feuilletons. Je pense que Busta ferait très bien l'affaire. Avez-vous essayé de proposer vos romans ?
A.B. : Je serais absolument ravie si Busta entrait dans les chaumières via le petit écran. Je pense que lui aussi serait d’accord, à condition qu’on trouve un beau brun viril pour l’interpréter (Gérard Lanvin serait pas mal) Si vous le connaissez, vous pouvez lui en toucher deux mots…

Vous venez de publier récemment Tueuse, chez l'Ecailler du Sud. Ce roman est complètement différent des autres. Pourquoi ce changement de style ? Etes vous lassée d'écrire du polar "made in Marseille" ?
A.B. : C’est vrai qu’au milieu de la rédaction de Chien des Quais j’ai éprouvé le besoin de changer d’air. Le style dense, elliptique, syncopé de Tueuse m’est sans doute plus naturel. Mais si je n’avais pas écrit avant les deux “ Busta ”, en travaillant beaucoup le récit, je n’aurais pas pu mener à bien Tueuse. Je ne l’ai pas écrit contre les deux autres, mais grâce à eux.

J'ai été séduit par le style dépouillé, au scalpel, comme dit le 4° de couverture. Sur ce thème il aurait été facile de "pondre" un polar de 200 pages ou plus, en développant les différents chapitres. Vous avez préféré au contraire faire "court". Pourquoi ?
A.B. : J’ai un peu de mal à imaginer une Tueuse version “ longue ”. C’est une question de rythme intérieur, comme en musique. Le rythme, c’est finalement ce qui m’importe le plus quand j’écris. Là, j’avais envie de laisser des blancs, des non-dits que le lecteur comblerait à sa guise. C’est vrai que certains ont regretté que ça ne dure pas plus longtemps. Je l’ai pris comme un compliment bien sûr !

Est-ce que vous envisagez de continuer dans cette voie, celle du polar "noir" ?
A.B. : Certainement, je n’en suis pas lassée, loin de là. J’ai l’impression que j’ai encore beaucoup de pistes à explorer à l’intérieur du genre. Je m’y sens bien, et libre.

Avez-vous un autre roman en chantier ? Si oui, son thème, son titre si ce n'est pas indiscret.
A.B. : Je viens de terminer Chien des Quais. On y retrouve Busta, sa sœur Tina, et d’autres personnages des deux premiers. Mais c’est surtout une histoire de gosses perdus, et le capitaine Paoli y tient le haut de l’affiche. Ce n’était pas prémédité, c’est le roman qui l’a voulu ainsi… Sinon je viens tout juste de me mettre au prochain, et je n’ai pas encore la moindre idée de ce qu’il sera !

Dernière question traditionnelle : quelle question ai-je oublié de vous poser (et sa réponse, bien sûr) ?
A.B. : Heureusement qu’il n’y en a plus ! J’ai été assez bavarde comme ça, non

René BARONE